Les joyaux de la sorcière
femme !
Le poing de Ricci s’abattit sur la table faisant sursauter les porcelaines :
— Les femmes sont pires que les hommes et, en fait de cruauté, nous n’avons rien à leur apprendre. La première dont vous vous faites le chevalier, cette Bianca Buenaventuri était un monstre. Elle avait amplement mérité son sort. Elle portait en elle le sang pourri de la Sorcière vénitienne et de son lamentable époux. Croyez-moi : elle était digne d’eux…
— Comment est-ce possible ?
— La fille qu’ils ont eue ensemble a procréé et par la suite sa descendante a épousé un cousin Buenaventuri. C’était une garce de la plus belle eau…
— Qu’avait-elle donc fait ?
Ricci se figea dardant sur Morosini un regard où celui-ci lut un doute, une hésitation puis lâcha :
— N’importe ! Vous ne vivrez pas assez longtemps pour trahir le secret des Ricci ! Venez !
Négligeant la menace, Aldo le suivit avec empressement.
Une demi-heure plus tard il était de retour dans son cachot et alla s’asseoir sur son matelas, si pâle que l’impassible Crespo qui le ramenait le remarqua :
— Dites donc, vous n’avez pas l’air d’être dans votre assiette ? Qu’est-ce qu’il vous a fait le patron ?
Et comme Morosini ne répondait pas, il ajouta :
— J’vais vous chercher un coup de grappa, ça vous remettra en attendant qu’j’apporte le lunch !
— Je n’ai pas faim !
— J’apporterai ! Le patron veut qu’vous soyez en forme pour ses noces…
Il s’éclipsa un court moment puis revint avec une bouteille enveloppée de roseau tressé et d’un verre qu’il remplit :
— Avalez !
Aldo but d’un trait, rendit le verre que Crespo plaça sur la table avec la bouteille à côté de la lanterne :
— J’vous la laisse en cas de besoin. Une bonne cuite des fois ça soulage !
Du fond de l’espèce de stupeur où il était plongé, Aldo réagit :
— Vous feriez mieux d’en porter à Betty Bascombe. Elle en a besoin plus que moi !… Elle est toujours là au moins ?
— Sûr qu’elle est là ! Elle peut encore servir et elle ne va pas si mal. On lui a même ôté ses cordes et on lui donne à manger. Elle vous intéresse à ce point ?
Aldo se contenta de hausser les épaules. Toutes les femmes que l’on tourmentait avaient droit à sa sollicitude, à sa compassion. Y compris cette Hilary que cependant il détestait. Traîtresse, cupide et sans scrupules, prête à tuer pour assouvir sa passion de richesse, il en venait à éprouver pour elle de la pitié car même si, comme elle l’assurait, ses « dispositions étaient prises », elle ne pouvait pas s’attendre à l’abomination qu’elle allait devoir subir et que nul n’avait le droit d’infliger à une femme !
La journée se passa pour Aldo à essayer d’échafauder un plan pour la tirer de ce pétrin et s’en tirer lui-même puisque leurs destins étaient liés. On le destinait à assumer le rôle qui avait mené Peter Bascombe à la potence : celui de l’assassin sadique… C’était à devenir fou. Et que faire pour en sortir ? Il avait si peu de temps devant lui ! Son esprit se tourna vers Adalbert. Il devait avoir reçu sa lettre mais en avait-il tiré les conséquences espérées ? Était-il en train de préparer quelque chose ?
Pour la paix de son âme il valait mieux qu’il ignore le sort du message : remis à Hilary, celle-ci avait immédiatement décelé les légères anomalies, et étant aussi bonne faussaire que voleuse habile, elle n’avait eu aucune peine à la recopier en imitant parfaitement l’écriture d’Aldo et en rajoutant une ou deux phrases lénitives après quoi sa fidèle Brownie était partie la porter à Belmont Castle…
N’en sachant rien, Aldo cherchait fébrilement des raisons d’espérer. Il était sûr qu’Adalbert remuerait ciel et terre pour le retrouver avec l’aide sans aucun doute de Pauline et même de Belmont… Cette pensée consolante finit par l’emporter sur l’angoisse, et après avoir fait honneur au plateau qu’on lui apportait, il chercha du repos dans le sommeil. À n’importe quel prix il lui fallait conserver ses forces en vue de ce qui allait venir…
Un bruit, léger cependant, l’éveilla.
Instantanément il vint à la grille. Son oreille fine ne l’avait pas trompé quelqu’un approchait. Quelqu’un qui marchait à pas de loup sans doute avec des semelles de caoutchouc mais la terre du souterrain
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