Les joyaux de la sorcière
un grand pin, bien touffu et qu’il était facile d’atteindre dans un temps record. Ensuite, il vint sans même hésiter une minute, plonger son crochet dans la serrure puis courut se mettre à l’abri dans son arbre tandis qu’éclatait une sonnerie aussi stridente que la trompette de l’Ange au Jugement dernier…
Le pin offrait un excellent abri encore que peu confortable à cause de la rugosité du tronc et des piqûres des aiguilles mais l’occupant ne s’en rendit pas compte, passionné par ce qu’il voyait. L’alarme avait fait l’effet d’un coup de pied donné dans une fourmilière : des deux bouts de la bâtisse des hommes sortaient vêtus comme des ouvriers ou des valets. Il y avait même des marmitons et un cuisinier mais, si divers que fussent leurs vêtements, ils avaient tous délaissé leurs outils habituels au bénéfice d’armes à feu qu’ils semblaient manier avec une grande aisance.
Ils coururent vers les limites de la propriété. L’un d’eux ouvrit la porte qui les avait alertés, examina les alentours pendant un moment, haussa les épaules et referma en grognant :
— Encore un de ces foutus gamins de pêcheurs que ça amuse de nous faire sortir !
— Faudrait peut-être aller dire à leurs parents de leur apprendre la politesse s’ils ne veulent pas prendre du petit plomb, émit un autre. Quand ils en auront pris plein les fesses on s’ra peut-être tranquilles.
— Oui mais vaut mieux pas le faire avant l’arrivée du patron ! Il aime pas les initiatives…
— Alors il faut espérer qu’il ne tardera plus ! J’en ai marre, moi !
Le calme revint bientôt. La maison se referma et le silence reprit ses droits mais Aldo attendit qu’il se fût bien installé pour commencer à bouger. Il descendit lentement de son arbre, alla chercher son vélo et le poussant à la main s’enfonça à son tour dans l’épaisseur du bois en se fiant à son sens de l’orientation afin de rejoindre la route côtière passant par Fort Williams qui le ramènerait à domicile par un autre chemin. Plutôt songeur il était car si son pavé dans la mare avait fait surgir les grenouilles démontrant ainsi que l’inconnue ne se trompait pas, s’il avait eu l’avantage de lui apprendre que Ricci n’était pas encore présent, il lui avait aussi démontré que l’absurde Palazzo était aussi sévèrement gardé que Fort Knox et qu’y pénétrer seul avec les armes dont il disposait – une trousse à outils et un couteau suisse ! – relèverait de la pure folie ! Que serait-ce quand le maître des lieux serait là puisqu’il savait que le Sicilien ne se déplaçait jamais sans un entourage convaincant.
Pour la première fois de sa vie, Aldo se sentit menacé par le découragement. À qui s’adresser ? Où trouver l’aide indispensable ? Au moins quelqu’un pour veiller au grain s’il parvenait à s’introduire dans la place, et à première vue c’était déjà une sacrée difficulté. À moins de s’y faire engager comme domestique ?
L’idée était séduisante et durant un moment il la retourna sur toutes les coutures dans son esprit. Au fond il parlait l’italien aussi purement que tous ces gens-là même si l’accent était légèrement différent et même s’il n’était plus assez jeune pour faire un valet de pied – ce qui lui répugnerait ! – il avait suffisamment d’allure pour faire un bon maître d’hôtel ou un chauffeur. Malheureusement cela ne pourrait marcher qu’en l’absence de Ricci parce que celui-ci le reconnaîtrait sans doute et il n’y avait guère de chance que les occupants actuels eussent la possibilité d’engager qui que ce fût. Sauf peut-être un homme de main ou deux.
Guetté par la migraine et tenté par le beau temps qui semblait vouloir s’installer, il retourna à Euston Beach, acheta un maillot de bain, prit une cabine pour se déshabiller puis traversa la plage en courant pour s’en aller piquer une tête dans la mer. Elle était froide ce qui expliquait qu’il n’y avait pas sur la plage beaucoup de candidats à la baignade mais elle lui parut extrêmement revigorante. En bon fils de l’Adriatique il avait su nager presque avant de savoir marcher et adorait cela. Il nageait de façon remarquable et durant une bonne demi-heure s’en donna à cœur joie de « plumer » l’eau, heureux de sentir s’envoler la légère douleur à sa tête et ses muscles se décontracter. Aussi, quand il toucha terre
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