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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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demanda Tancrède en s’immisçant dans l’entretien. Il a trouvé un prétexte pour aller chevaucher… Ça a toujours été son seul vrai plaisir !
    On eût dit que jamais elle n’avait quitté la forteresse. Le col de son vêtement était haut, hermétiquement fermé par une gorgerette de dentelle. Ogier en détourna ses yeux.
    « La voilà qui fait la prude, à présent ! »
    Le souvenir de Margot Champartel traversa son esprit sans qu’il pût définir ce qu’il éprouvait. Regret ? Envie ?
    Il s’éloigna. Longtemps, il sentit contre son dos le regard de sa cousine.
    Il sella Marchegai. Griveau apparut sur le seuil de l’écurie :
    — Je suis inquiet, messire. Podensac est en danger.
    — Tu ne m’apprends rien.
    — Pour tout vous dire, il se trouve en grand péril de mort. Tandis qu’il s’en allait, son Noiret a écrasé un crapaud. Un moult gros noir comme ses habits… Et son sang aussi était noir… Le temps que je cherche une pelle pour enlever la bestiole et la jeter au fumier, un rat poilu comme…
    — Comme ?
    — Je ne puis vous en dire plus, messire, mais c’est du mauvais sort tout autour du manchot… Je peux essayer de le contrebattre… Laissez-moi vous accompagner.
    Ogier fit reculer Marchegai. Par-dessus sa croupe, il rabroua le palefrenier :
    — Plutôt que de songer à courir par les terres, tu ferais mieux de renouveler la litière de mon cheval…ou d’ordonner cette besogne à tes aides… Où sont-ils ? À jouer aux billes, aux osselets ou aux dés avec Didier et les deux autres ?… La plupart des deniers de tes drôles vont dans l’escarcelle de mon cousin… Il fraude avec impudence sans qu’aucun d’eux ne se rebelle !
    — C’est notre sort à nous d’éviter de nous plaindre… et d’être tondus par plus fort que nous.
    Ogier haussa les épaules. Il méprisait ce petit vieillard bancroche. Rebouteux, puisatier, augure, guérisseur, Griveau vivait à part, dans un réduit adossé à la muraille, derrière la forge. Et bien qu’il fréquentât assidûment la chapelle, Arnaud Clergue en avait peur. Lui aussi, comme Blanquefort, était sans femme.
    Griveau vérifia la tension de la sangle et des étrivières. Marchegai renâcla au contact de ces mains habiles, dont Ogier n’eût su dire si elles étaient bénéfiques ou maléfiques.
    — Messire, quoi qu’il en soit vous devriez m’emmener. Quand nous aurons retrouvé Podensac, je galoperai trois fois autour de notre motte en priant pour que ces maudits Goddons s’en écartent. Je dresserai entre eux et nous trois barrières de paroles plus hautes encore que ces murailles, plus épaisses et infranchissables que ces montagnes où la neige ne fond jamais… Ainsi, vous continuerez à vivre heureux jusqu’à votre départ.
    Agacé, Ogier secoua la tête :
    — Mon départ ?… Tu ne t’en soucies point. Bon débarras !
    — Peut-être pour moi, messire. Mais d’autres en seront malades… Ainsi, ils ne sont plus deux, mais une même chair. Ce que Dieu a joint, que l’homme ne le sépare donc pas !
    —  Pour Anne, tu sais tout depuis longtemps. C’est vrai. Elle me l’a dit… mais que t’importe et que m’importe ?… Allons, fais-moi place.
    Griveau secoua la tête et s’obstina :
    — Messire, je ne dirai pas bon débarras. Vous êtes quasiment pur, mais votre passé ne l’est pas plus que votre avenir, je le sens… Méfiez-vous !… Il y a sur vous un ciel d’orage… Des éclairs de fer et d’acier… Du sang noir et du sang vermeil…
    — La paix, vieux coquin.
    Ogier tira le bridon de Marchegai. Plus encore que les sornettes qu’il débitait d’un ton sentencieux, l’obséquiosité du palefrenier lui donnait du mésaise. Derrière ce respect trop servile et comme sirupeux palpitait sans doute une haine rageuse. La bouche fine et vorace, le regard fixe et glacé de Griveau, dans l’ombre du chaperon gris de poussière et pailleté de fétus, ne s’animaient qu’en présence de Philippe et d’Eudes, les fils de Mathilde, à laquelle de loin, il était apparenté.
    — Je vais prier pour Podensac, messire ! Car il est désormais trop tard pour lui.
    Sitôt après ces paroles rageuses, le domestique s’éloigna.
    « Tu devrais prier plutôt pour ton âme… Tu peux te réjouir que Guillaume soit bon, tolérant… D’autres pour moins que ça sont montés au bûcher… »
    Regrettant d’avoir laissé percevoir son mépris au rustique, Ogier mena

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