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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Marchegai au-dehors et sauta en selle.
    — Où vas-tu ? cria Guillaume, réprobateur.
    — Chercher Vivien !
    Il traversa la haute cour. Jean du Taillis, un culvert franc jusqu’à l’insolence, était de garde au pont-levis. Assis sur le montoir, il ajustait des fers de sagettes sur des hampes de coudrier.
    — Baisse le pont, Jean !
    — Tout de suite… Où allez-vous ?
    La curiosité du garçon n’offensa pas Ogier : dans leur prime jeunesse, ils avaient joué ensemble sans que Guillaume y trouvât à redire. Ensuite, peu à peu, les exigences de la vie les avaient séparés.
    — Je vais chercher Vivien.
    — Il a piqué droit vers Savignac.
    Bientôt, de hoquet en hoquet, le treuil désenroula ses chaînes.
    L’extrémité du tablier s’engagea dans son logement sur ses piliers de granit.
    De lui-même, Marchegai prit le galop.
     
    *
     
    Ogier trouva le Noiret immobile et frémissant dans une clairière, non loin de l’Isle. À quelques toises de là, près d’un épinier aux abords saccagés par le passage d’une harde, le chevalier manchot gisait, roide, les vêtements en lambeaux et le ventre ouvert par un quartannier [177] mort lui aussi, et lardé de coups de dague. La poignée d’or de l’arme luisait sur le garrot du fauve.
    — Bon Dieu ! La bête avait des défenses pires que des couteaux… Moi-même, face à ce monstre, j’aurais été perdu… Pourquoi n’a-t-il pas pris la fuite ?… Peut-être l’a-t-il prise, après tout, et a-t-il été désarçonné.
    Le damoiseau mit pied à terre. Il s’était félicité d’être parti seul, et maintenant, devant ce corps sanglant, il se reprochait sa conduite. « Rien ne va plus depuis hier matin. » Il sentait s’élargir en lui des ondes noires : tristesse et violence. Des larmes picotaient ses yeux. Vivien !… Le seul qui lui eût parlé souvent de Godefroy d’Argouges, car il ignorait tout du drame de la Broye.
    Plus proche des grandes peines d’enfant que des afflictions d’adulte, le chagrin du garçon dégénéra en colère :
    — Bon sang, Vivien, je ne crois pas que Griveau y soit pour quelque chose. Tu l’as bien cherchée, cette mort ! Pourquoi ne nous as-tu pas attendus ?
    Il s’était approché du défunt. Il s’efforça de n’en considérer que le visage pour n’être pas pris de nausées : du ventre béant émergeaient bruns, vermeils, écailles de mouches, de guêpes et de fourmis fouisseuses, les viscères écrabouillés. Sur l’herbe, tavelée de sang, il y avait des fragments d’intestins.
    — Ce n’était pas la mort qu’il te fallait, Vivien ! Si les Goddons nous assaillent, ton seul bras nous fera défaut.
    Cou tordu. Visage crispé, pâle, souillé de terre. Des caillots s’accrochaient à la barbe, aux moustaches. Bouche sanglante et grimaçante, aux dents brisées. Yeux sans pupilles dont précipitamment Ogier abaissa les paupières, juste pour voir un puceron s’engluer dans une narine d’où le sang suintait encore.
    Il décida de charger le corps sur le Noiret, et pour éviter qu’il ne se vidât comme un sac, il se déshabilla et quitta sa chemise. Alors, retenant des haut-le-cœur et dispersant les insectes, il noua le vêtement autour de l’abdomen béant et le maintint avec sa ceinture, celle de Vivien ayant été rompue.
    Il frotta ses mains poisseuses dans l’herbe et attrapant Podensac aux aisselles, il le tira jusqu’au Noiret, de plus en plus nerveux, et qu’il apaisa par des chuchotements et des flatteries dès qu’il eut, sans difficulté, placer la dépouille du chevalier en travers de la selle.
    Ensuite, il siffla Marchegai occupé à brouter puis, sur son cheval, menant la monture du défunt par la bride, il s’en revint lentement au château.
    — Eh bien, messire ? questionna du Taillis au passage, une fois le pont-levis franchi.
    — Mort, Jean !… Un quartannier.
    Le garçon [178] emboucha sa trompe et sonna par deux fois.
    Ogier n’avait pas atteint le centre de la haute cour que Guillaume et ses familiers couraient à sa rencontre.
    — Voilà, leur dit-il en mettant pied à terre et en désignant le corps arqué sur le dos du Noiret.
    Il aperçut Griveau et Chastagnol :
    — Descendez-le doucement ! Hâtez-vous ensuite de laver et panser ce cheval… Il a du sang partout… Soignez également le mien.
    — Que vous avais-je dit ? fit Griveau en saisissant les rênes de Marchegai.
    Il triomphait. Ogier fut tenté d’écraser son

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