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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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châtiment bien meilleur… Fouillez partout. S’il en existe, amenez-moi les survivants.
    — Vos malandrins auraient pu épargner les femmes et les enfants.
    — Certes, Argouges !… Quand je suis absent, ils font ce que bon leur semble… Ce sont les pourvoyeurs du Paradis.
    Le chef de cette horde que le damoiseau venait de prendre en aversion était un homme brun, carré d’épaules, vêtu de cuir de haut en bas. Son nez avait été cassé. De solides moustaches et une mousse de barbe ombraient le bas de son visage. Ses yeux scintillaient aux flamboiements des torches tandis qu’ils glissaient sur cette foule d’hommes triomphants dont les voix, à force d’avoir hurlé, s’étaient assourdies. Ils s’arrêtèrent sur la ribaude.
    — Lâche cette fille, Barbiéri !
    — Nenni, Robin, protesta le routier en riant, c’est la seule qui méritait qu’on l’épargne !… Les autres étaient si vieilles ou si laides que c’était un bienfait pour le genre humain de les occire… et leurs enfants avec !
    Un tabard gris de crasse, frappé de la croix du Temple, enveloppait cet homme grand, corpulent, au visage buissonneux sous une cervelière emplumée. Son parler révélait un esprit cauteleux mais fermement déterminé au mal.
    — C’est ma prise, Robin… Ma prise, je te dis ! Je veux me ventrouiller sur elle !
    — Lâche-la !
    La main du routier hésita puis abandonna sa proie. En grommelant, il s’éloigna vers les étables.
    La ribaude contourna le tas de fumier. Elle alla s’asseoir sur la margelle du puits, et son indifférence, sa résignation ébahirent Ogier :
    « Bon sang, si cette fille a peur, elle le cache bien ! »
    Des porte-feux s’élancèrent dans toutes les directions. On égorgea les volailles. On tira des étables une demi-douzaine de chevaux et autant de vaches, de moutons, un mulet qui ruait. Ces bêtes, à l’odeur des viscères et du sang, émettaient d’étranges plaintes : on eût dit qu’elles redoutaient d’être sacrifiées.
    — Je sais qui vous êtes, dit Ogier à son voisin, sans cesser de s’intéresser au remuement des hommes, autour d’eux.
    — Tu n’as pas grand mérite ! Tu pourras te vanter d’avoir, une nuit, partagé la geôle de Robin Canole… C’est ainsi que les tiens m’appellent.
    Un coustilier voulut sacrifier les deux chiens qu’il venait d’extraire d’une écurie, et tirait par leur chaîne. C’étaient des bêtes au poil gris et noir, faméliques, tout heureuses d’être délivrées.
    —  No, Amalric ! Ces brachets étaient enchaînés, mal nourris : vois leurs flancs ; on compterait leurs côtes… Lâche-les. Il se peut qu’ils nous suivent ou qu’ils demeurent… Regarde : ils lèchent le sang ! Vengeance !
    Ensuite, Canole se tourna vers un homme vêtu d’une peau d’ours et coiffé d’un chaperon verdâtre :
    — Trouve Tranchelion. Qu’il m’apporte ici un marteau et une enclume ! Je ne veux pas conserver ces bracelets plus longtemps…
    Il jeta un regard circulaire :
    — Mais où est donc passé Enguerrand de Briatexte ?
    — Je suis là, dit une voix. J’essayais avec Bemborough et Mélipart de manœuvrer les fléaux du pont-levis…
    — Dites plutôt, old fellow, que vous avez une fois de plus répugné à occire des gens pris par surprise, et la plupart désarmés… Mais, sachant les raisons de votre satiété, je ne vous en tiens pas rigueur !
    Le chef de bande se tourna vers Ogier. Sa voix prit des accents moqueurs :
    — Les chevaliers vrais ou faux sont une engeance spéciale. Courageux dans un franc combat, mais répugnant aux ruses et aux astuces. Cela est dommage, car la victoire est pareille à certaines gentes dames : il faut, pour l’obtenir, employer de savantes et hypocrites manœuvres… Voici, damoiseau, un de mes meilleurs compagnons.
    L’homme en question avait quelque chose de fascinant, à la fois dans sa démarche lente et grave et son ajustement. Armé de toutes pièces, l’épée battant la genouillère, une pardalide [240] en guise de jupon de mailles, il frottait lentement ses gantelets sans souillure. Son bassinet au viaire déclos était surmonté d’un bouquet de plumes de paon haute d’un pied. Pris tout entier dans son vêtement de fer qui se révéla, tandis qu’il s’approchait, de la couleur bleu-noir des homards tirés de la mer, il semblait une statue de bronze à la recherche d’un socle. Les molettes de ses éperons tintillaient.

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