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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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méprenant sur son destinataire de nombreux piétons, ignorant tout des disputes antérieures à l’affrontement, tendirent le poing en direction d’Argouges et hurlèrent :
    — Ordure ! Ordure !
    — Au billot !
    — Pour venger nos morts, confiez-nous son châtiment !
    Le seigneur de Gratot était si épuisé, si recru d’infamie, qu’il s’affaissa sur le chevalet.
    — Voyez ! triompha Blainville tourné tout à coup vers les épaves du combat désastreux. Voilà que le remords l’assomme.
    Furieux que le sénéchal eût involontairement déclenché cette vague d’hostilité dans la piétaille, Ogier perçut, chez les seigneurs groupés autour de lui, des murmures sur la signification desquels il s’interrogea. Ces hommes épuisés, anxieux peut-être de voir surgir les Anglais et leurs alliés cette fois sur la terre ferme, étaient-ils aussi, dans leur majorité, favorables à Blainville ?
    — Père est innocent ! Il devrait accuser ce mençongier !
    — Tu vois bien qu’il n’en a pas la force, dit Blanquefort. Si les sergents cessaient de le tenir, il tomberait. Ces maufaiteurs l’ont mis dans un si grand état de recréance et de grief [99] qu’il est prêt à tout accepter pourvu qu’ensuite, on le laisse en repos…
    Godefroy d’Argouges fut également sans réaction quand, face aux deux juges qui venaient de s’asseoir sur un banc, dans un angle de l’échafaud, Blainville lui reprocha d’avoir refusé le combat sur le pont du Christophe, et d’avoir été pris, non loin de l’Écluse, en compagnie de quatre ennemis avec lesquels il négociait, pour son fils et lui-même, son passage en Angleterre.
    Ogier ne se contint plus :
    — Saligot ! Malebouche ! Termulon !… Le traître c’est…
    Un poing, celui de Ramonnet, s’abattit sur sa tête.
    — Tais-toi, fils de…
    Le barbu au tabard de sable et d’argent n’acheva pas, car après un revirement, Guillaume avait crispé ses doigts au rebord de son gorgerin, rendant ainsi sa respiration impossible.
    — Bas les pattes ! gronda-t-il. Plus qu’aucun autre autour de nous, tu sais que ce chevalier est innocent et que son fils est pur. Si tu t’es insinué dans nos rangs pour connaître nos pensées, ta bonne chance est passée… D’ailleurs, ta place n’est pas parmi nous. Elle est… tout comme celle de ton maître, sur ce fumier que je vois fumer là-bas.
    — Les forfaits, malfaisant, ajouta Blanquefort, tu les commets avec délices. Quelle prouesse, en vérité, que de lier un jouvenceau à un arbre ! De plus, Ogier m’a dit comment tu as égorgé quatre Goddons désarmés… Ah ! vaillant homme, il me faut t’en congratuler.
    Guillaume venant de le lâcher, le sénéchal lança son poing dans le ventre du sergent qui chut à la renverse dans les pieds des barons silencieux.
    — Holà ! Que se passe-t-il, Ramonnet ? s’inquiéta Blainville, furieux d’avoir été interrompu.
    — Rien, messire, rien… Poursuivez.
    Le sergent plié en deux s’éloigna tandis qu’Ogier, tout en suppliant le Ciel d’aider son père, arrêtait ses regards aux fenêtres du donjon, pleines, de bas en haut, de coiffes bariolées. Ainsi, des femmes assistaient à la pire humiliation d’un homme ! Il les détesta.
    — Eh bien, oui, tu vois ! ricana Blanquefort. Ces nobles dames, là-haut, vont avoir de quoi gangler [100] .
    Guillaume était loin de ce genre de considération.
    — J’ai fait tout ce que j’ai pu pour sauver Godefroy ! enragea-t-il, sans crainte, cette fois, d’être entendu. J’ai même – eh oui ! – adjuré ces deux juges de revenir sur leur sentence… Hélas ! Amaury de Lôme et Michel de Fontenay n’ont pas plus de cœur qu’un aspic !
    Il se tourna vers ses proches compagnons, inquiets mais attentifs, et dont Ogier trouva les regards aussi ternes que le fer de leurs vêtements de guerre.
    — Ces deux suppôts de Blainville ont rejeté mon intercession en arguant que je suis le beau-frère de l’accusé !
    — Parle bas, Guillaume ! conseilla un homme quelque part.
    — Non, Herbert, non, répondit le baron.
    Puis, considérant Blanquefort, et posant sa main sur son épaule, geste que le sénéchal accepta sans trop l’apprécier :
    — Vous connaissez tous Hugues. Après avoir sauvé Godefroy de la noyade, il a combattu les Flamands à ses côtés pendant que Blainville était Dieu sait où… Eh bien, ce malandrin et ses satellites ont pris ses dires en

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