Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
un homme à Blainville !
    — Je connais le sceau de Philippe.
    — On l’a copié… Un faussaire.
    — Ah ! Hugues… Philippe est loin, c’est vrai, mais Blainville n’est pas homme à prendre des risques… Ses prétextes étant faux, il se trahira un jour !
    — C’est un traître ! Je le sais… Je l’ai vu.
    — Tais-toi, mon gars. Mesure tes paroles. Par Dieu, nous avons assez d’ennuis avec ton père. Garde-toi d’en ajouter.
    Puis, de nouveau tourné vers Blanquefort et parlant bas tandis qu’Ogier, consterné, baissait la tête, Guillaume de Rechignac continua :
    — Je crois, Hugues, que ce chevaucher vient du Palais.
    La voix du baron devint presque imperceptible :
    — Je n’oublie pas que la reine a des faiblesses pour Blainville. Ce ne serait pas la première fois qu’elle déroberait son sceau à Philippe et ferait imiter son paraphe pour assouvir une haine aussi ardente que le feu qu’elle a au cul [96]  !
    — Argouges la connaît à peine, protesta Blanquefort, effaré. Elle ne peut donc lui en vouloir.
    — Qui sait ? dit Guillaume. Chez elle, tout est bancal : l’esprit, le corps, les sens… Godefroy a pu involontairement l’outrager en ne la complimentant pas assez un jour qu’il paraissait à la Cour.
    — Il y est allé trois fois, dit Ogier. Et nullement de bon gré.
    Il observait les piétons devant lui. Ils étaient eux aussi résignés et s’entretenaient à voix basse. Il demanda, sans souci de parler fort :
    — Les loyaux compagnons de mon père sont-ils si peu nombreux pour obtenir, l’épée en main, sa liberté ?
    — Le délivrer ainsi ? s’étonna Guillaume. Ce serait attirer l’aversion du roi sur nos têtes, sans que ton père soit déchargé de son opprobre. Non, vois-tu, mon neveu, Godefroy doit accepter son sort, quoi qu’il nous en coûte, ainsi qu’à lui… Mais il se reprendra, tu verras.
    — Allons, Ogier, sois digne, chuchota Blanquefort. Certains, parmi nous, savent qui tu es. Montre-leur que tu as le cœur bien fait.
    — Je vois que l’on s’agite autour de…
    — L’échafaud, mon oncle ! N’ayez crainte des mots.
    — L’échafaud, soit, dit Guillaume. Les tapisseries et les écus dont il est paré ne font certes pas illusion… Ah ! mons gars, ce que tu vas voir est inique et outrageux. Plus tard, Godefroy confondra son accusateur. Il réclamera contre lui le jugement de Dieu et le roi des Cieux soutiendra son bras… En vérité, Blainville a la partie belle : nous ne sommes qu’une dizaine à avoir échappé au massacre du Christophe et à savoir comment les choses s’y sont passées.
    — Hélas ! les menteries de ce malfaisant ont eu plus de poids que nos vérités assemblées.
    — Blainville est le seul, mon oncle, à ne pas avoir pris de coups.
    — C’est vrai ! dit Guillaume.
    Il s’était bien défendu, lui ; il avait une plaie profonde, violette, croûteuse au menton et le bras droit en écharpe. Sa cotte et son haubergeon étaient crevés, lacérés. Blanquefort avait été touché au coude gauche. Sous la cervelière ternie par l’eau de mer, son visage se craquelait de rides frémissantes.
    — Il fallait des semaines d’enquête, répéta-t-il. Devant tous ceux qui restent du Christophe, Godefroy aurait dû être confronté à Blainville.
    — Hélas ! oui, approuva Guillaume. Mais tais-toi et regarde ces corneurs.
    Deux hommes d’armes appartenant à la garnison du château venaient de monter sur l’estrade. Ils embouchèrent leur olifant dont le vent porta les mugissements aux quatre coins de la cour.
    Aussitôt, une porte s’ouvrit au pied du donjon de granit, carré, bas et sombre.
    — Voilà Godefroy, dit Guillaume. Mon Dieu, on le soutient. Il est plus mal encore que je le redoutais.
    — Ils l’ont tourmenté ! cria Ogier, les yeux écarquillés d’effroi.
    — Non, le rassura Blanquefort. La question, même infligée modérément, laisse des traces… Blainville peut tout se permettre, sauf ça… Ne bouge pas. Ne commets rien d’irréparable… Attends.
    Deux sergents au torse couvert d’une dalmatique noire étaient allés chercher le prisonnier dans son cachot. Contournant l’échafaud, ils l’amenèrent au centre de l’esplanade, et son apparition ne provoqua nul cri, nulle rumeur, pas même un mouvement d’hostilité chez ces guerriers recrus de fatigue et repus de sang. Ils formaient autour du « coupable » et de ses gardes une espèce de

Weitere Kostenlose Bücher