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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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commenta Guillaume. Par Dieu, il a reçu des soins : son épaule est roide et son bras pris dans une attelle. Quelque dame a dû s’en occuper.
    — Évrecy a raison, messire Blainville, dit l’homme avec un accent chantant. Vous accusez Argouges de trahison, soit ! Vous dites l’avoir surpris avec des Goddons, ce dont je ne disconviens pas… Toutefois, j’aurais aimé connaître sa défense… Or, ce n’est pas un homme qui est sorti de la geôle où vous l’aviez soustrait à notre attention mais, Dieu me pardone, une loque !
    — Oh toi ! protesta Blainville, indécis, furieux, et reculant devant les deux contestants.
    Un troisième seigneur vêtu de mailles sortit du rang. Il était blond, ses cheveux touchaient ses épaules. Il boitillait. Au lieu d’une arme, il tenait un bâton.
    — Aussi vrai, dit-il, que je m’appelle Lancelot de Longval, j’ai vu se battre Argouges. Et se battre bien ! J’étais sur le Christophe quand il a jeté sur Édouard une dague qui lui a percé la cuisse… Aussi, je doute fort qu’il se soit accointé aux Goddons. De plus, messire Blainville, je n’oublie surtout pas que si nous l’avions suivi quand il voulait les aborder en pleine mer, nous n’en serions pas là ! Il n’est en rien responsable de la défaite. C’est à vous, Kieret et Bahuchet que nous la devons !
    — Prends garde, damoiseau ! menaça Blainville, livide, mais sans ébaucher un pas.
    Indifférent à la menace, Longval poursuivit, impassible, tourné vers les seigneurs attentifs :
    — Il serait tout de même étonnant, compagnons, qu’Argouges ait voulu faire hommage au roi d’Angleterre !… Et pour en finir avec cette cérémonie odieuse : s’il est en cette assemblée question de vaillance, je me porte garant que Godefroy en possède grandement et grassement ! Et jusqu’à preuve du contraire, davantage que vous, Blainville !
    L’accusateur portait la main à son épée quand un autre seigneur quitta les guerriers, provoquant des rumeurs jusque dans les rangs des piétons. Cet homme couvert de soie sinople, entre les déchirures de laquelle jaillissaient des lueurs de métal, écarta les juges, les sergents et les moines accourus pour le repousser.
    — Vous le savez tous, cria-t-il non sans orgueil en parcourant du regard l’assistance, je suis Raoul, vicomte de Longpré !… J’atteste que Godefroy d’Argouges s’est toujours hardiment conduit. À Cambrai, naguère, alors que nous battions en retraite, il m’a sauvé la vie. Il m’a porté deux lieues sur son dos… Et quand, hors d’atteinte de ces maudits Flamands, je lui ai dit ma reconnaissance, il m’a répondu : «  Ce que j’ai fait pour vous, vous l’auriez fait pour moi. » Eh bien, je n’en suis pas si sûr… Et ce que j’affirme présentement devant vous, c’est qu’Argouges est non seulement vaillant, mais secourable et loyal… En vérité, compagnons, ce procès ténébreux et cette sentence hâtive me contrarient. Tout cela empunaise je ne sais quelle vengeance bien éloignée de la déconfiture à laquelle nous avons survécu. Assez de dissimulations, Blainville !… Il convient de tout recommencer, et cette fois de tout instruire au grand jour, devant témoins et devant le roi. Alors, oui, j’en ai la conviction, nous verrons apparaître les faiblesses, les responsabilités ainsi que – pourquoi pas ? – les vraies trahisons.
    Les rumeurs s’enflèrent, surtout chez la piétaille dont les armes remuèrent. Comprenant que les événements tournaient en sa défaveur, Blainville recula vers la porte du donjon devant laquelle un valet [107] aux allures efféminées venait d’apparaître.
    — Soit, messires, dit-il en riant nerveusement. Je vous abandonne Argouges au point où nous en sommes parvenus… Mais pour l’équeutage de ses lions, le roi a décidé… Je vous laisse imaginer son courroux au cas où sa volonté serait transgressée… Le beau-frère et le fils de Godefroy sont présents. Qu’ils prennent acte !
    Il appela Ramonnet :
    — Avec Eudes et Blérancourt, va seller les chevaux. Je vais prendre congé de nos hôtes.
    Flairant des difficultés, il s’esquivait. La petite porte du donjon se referma sur lui, tandis que Ramonnet et le bardache [108] se hâtaient vers les écuries.
    L’assistance, en murmurant, s’éparpilla. Il y eut des heurts de métal, quelques cris de mécontentement, des huées à l’adresse de Blainville que certains seigneurs

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