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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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fallait, ils tueraient père et mère… et même femme et enfants.
    Lancelot de Longval, Gauthier d’Évrecy et Raoul de Longpré s’entre-regardèrent, tandis qu’Ernauton de Penne s’exclamait :
    — Pour moi, Blainville n’a jamais été net !… Ce que tu nous racontes, Ogier, ne m’étonne guère.
    Ils formaient, autour de Godefroy d’Argouges et de son fils, un étroit cercle de fer, écran au mal, aux calomnies. Lancelot de Longval lissa ses cheveux blonds. Il avait une bosse violette à la tempe. Il regarda les moines et les juges immobiles sous l’ogive béante de la chapelle, et leur montra son bâton :
    — Que le Très-Haut, dit-il, vous châtie et vous brise !
    Et, prenant Ogier par l’épaule :
    — Dès maintenant, mon gars, songe à te revancher. Forge dans ton esprit les armes de la haine… Et ne pleure plus !
    — Je pleure de soulagement, messire !… Mon père est sauf.
    — Dommage, mon fils, dit Argouges d’une voix lente, oppressée, que tu n’aies pas de preuves autres que celles que tu viens de nous fournir !
    — Mais un traître se trahit toujours !… Nous aurons désormais Blainville à l’œil… Pas vrai, messeigneurs ?
    Guillaume de Rechignac et ses compagnons approuvèrent Ernauton de Penne, et Gauthier d’Évrecy offrit son bras valide au chevalier déchu :
    — Godefroy, lui dit-il, vous savez que mes terres sont assez proches des vôtres. Je vais vous y ramener.
    — Messire, murmura le baron chancelant, je peux à peine me mouvoir… Ma présence vous retarderait…Sans doute, plutôt que de revenir en notre Normandie, feriez-vous mieux d’aller voir le roi avec vos compagnons… Car Blainville vous tient dans sa vindication comme il m’y tient toujours… Prenez garde !… Défiez-vous de lui à compter de ce jour. De plus, et si vous le pouvez, empêchez-le de raconter à sa façon notre défaite. Défendez l’honneur de nos morts !
    — Je vais aller trouver le duc Jean, décida Lancelot de Longval. Je lui dirai pourquoi nous avons été vaincus… Il m’a en estime, et je crois pouvoir compter sur son appui auprès du roi.
    — J’irai avec toi, approuva Raoul de Longpré. Le duc me connaît bien aussi. Nous confondrons Blainville, Argouges, et vos lions retrouveront…
    Il dut s’interrompre : le chevalier déchu venait de s’affaisser. Cependant, si ses jambes ne le soutenaient plus, son esprit demeurait clairvoyant. D’une voix chuchoteuse, alors que Guillaume et Blanquefort le remettaient debout, il révéla :
    — Je n’ai pas mangé depuis quatre ou cinq jours, et j’ai perdu mon sang… J’ai soif aussi… Sans trêve, ils venaient me titiller dans ma geôle pour m’empêcher de dormir.
    — J’ai, devant le pont-levis, une litière empruntée au baron de la Broye, dit Gauthier d’Évrecy. J’y ai mis deux de mes hommes. Ils ont perdu un bras, comme moi, et la retraite, avec eux et quelques autres, nous a été un martyre… Vous allez monter auprès d’eux, Godefroy, quand on vous aura donné des soins et de la nourriture. Et je vous conduirai à Gratot.
    — Bien dit ! fit Guillaume. Emportez-le, Évrecy. Veillez sur sa vie comme sur la vôtre… Par le sang du Christ, Godefroy n’est plus chevalier et les lions de ses armes ont été diffamés, mais un jour viendra où il sera disculpé des méfaits dont tous ces hypocrites l’ont accusé !
    — Allons, dit Évrecy, je passerai par Damétal, près de Rouen, où j’ai laissé des chevaux et des hommes…Ne tardons plus. J’ai hâte de quitter ces contrées affreuses. Il me semble sentir encore, d’où nous sommes, la punaisie de nos morts.
    — Et c’est le responsable de cet échec qui se permet de juger !
    — Un échec, compagnons ? s’exclama Guillaume. Comme vous y allez !… La pire défaite, en vérité, que les lis aient subi depuis celle des Éperons d’or [110] .
    — Des nefs sont-elles revenues de cet enfer ? demanda péniblement Godefroy d’Argouges… Je veux savoir… Il faut me le dire…
    Évrecy eut un soupir accablé :
    — On dit que le Saint-Denis, de maître Martin Danoys, a été coulé… Et le Saint-Nicolas de Guillaume de Bordeaux. Mais nous n’en avons pas la preuve.
    — Ce que je sais, moi, dit Raoul de Longpré, c’est que Matthieu le Mire, Roger Caron, Jean du Jardin, Pierre le Valois ont pu sauver leur galiote. J’ai vu le mât du Saint-Georges s’abattre sur des hommes.
    — Ce que je sais, moi, dit

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