Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
Ernauton de Penne, c’est que trente nefs ont pu se retraiter, soit environ trois mille hommes… La Cécile, l’Édouarde, le Saint-Martin, le Saint-Firmin et le Saint-Georges sont éprouvés.
    — Et la Jeannette, de Caen, commandée par mon cousin Argouges ?
    — Il y a une Jeannète sauvée : celle de Robert Nordest.
    — Sauvés également, dit Lancelot de Longval, le Saint-James de Jean Hudeline, le Saint-Éloi, de Jean Ertaut, le Saint-Georges de Guillaume Hardi.
    — Vous êtes renseignés, murmura Godefroy d’Argouges.
    — Nous n’avons aucun mérite, dit Évrecy. Tous les hommes qui sont à la Broye citaient les uns tel vaisseau, les autres tel autre… Pierre d’Estrelant, ce géant, a tenu seul son navire avec quatre écuyers… Toute la journée et toute la nuit ! Certains le disent mort, mais ils sont rares [111] . Il paraît que Guillaume Clinton, l’ancien amiral d’Angleterre, et son compère Jean Badding ont voulu prendre pied sur sa nef ; il les a jetés par-dessus bord.
    — Mais la plus belle appertise, dit Blanquefort, c’est celle de Guillaume Avestoize, maître du Saint-James. Alors qu’il s’enfuyait, il a jeté des graves [112] sur une nef de Sandwich…
    — … appartenant, coupa Guillaume de Rechignac, au prieur de Christ-Church à Cantorbery… Il l’aurait emmenée sans l’intervention…
    — … de l’amiral Huntington, renchérit Blanquefort. Forcé de lâcher prise, Avestoize a soutenu un combat à outrance…
    — Toute la nuit, compléta Évrecy. Ce preux est mat… Au matin, selon un Anglais que Blainville dit avoir capturé, il y avait quatre cents morts sur le Saint-James… Édouard III a lancé son meilleur marinier, Jean Crabbe, à la ressuite de nos vaisseaux, mais en vain… Ils sont à Boulogne…
    Godefroy d’Argouges eut un léger sourire :
    — Ils ne les ont pas tous coulés et réduits en cendres. Ah ! mes compères. Mourir là-bas, je l’aurais accepté, mais périr par la volonté de Blainville…
    — Appuie-toi sur moi, beau-frère : tu défailles.
    Guillaume de Rechignac et son sénéchal soutinrent le blessé. Lentement, ils traversèrent la cour d’où partaient les derniers guerriers. Les femmes ne se penchaient plus aux fenêtres. Le seuil de la chapelle était désert. Seule une fillette jouait sur le pavement à l’ombre du donjon. Elle devait compter entre dix et douze ans. L’obscurité faisait valoir sa blondeur et la pâleur rosée de sa carnation. Elle était vêtue d’une robe verte. À cloche-pied, elle sautillait sur les cases d’une marelle dans un clapotement de galoches dont elle semblait se merveiller. Elle s’immobilisa lorsque passèrent Godefroy d’Argouges et ses compagnons.
    — Ils ont été méchants avec lui, tous ces hommes !
    Plongé dans ses pensées, Ogier releva la tête et s’arrêta.
    — Pas tous, dit-il. Ceux que voilà sont bons.
    — C’est ton père ?
    Du doigt, elle désignait le seigneur de Gratot dont la chemise tachée de sang ondulait au vent.
    — C’est mon père.
    Ogier s’attendait à ce que la fillette s’ébaudît.
    — J’ai tout vu, dit-elle simplement.
    — Ah !
    — Il ne me paraît pas un homme abominable. Je suis doulousée [113] pour toi.
    Le groupe était passé ; Ogier s’attarda : au bout de quatre épuisantes semaines, cette fillette à la longue chevelure blonde, c’était, personnifiée, la première douceur rencontrée sur son chemin. Elle était aussi la fraîcheur et la paix, la gaieté, la joie de vivre. Soudain gêné par ses haillons, ses larmes et sa voix nasillarde, il demanda :
    — Que fais-tu en ces murs ? Sont-ils à tes parents ?
    — Oh ! non… Ici vit Gaucher de Lor dont le filleul, Thierry, vient d’épouser ma sœur Béatrix. Je demeure loin d’où nous sommes : à quelques lieues de Poitiers.
    — Mon nom est Ogier d’Argouges.
    Ogier dut renifler avant de demander, confondu par ce chagrin sans doute indigne d’un garçon :
    — Et toi ?
    — Isabelle Dary.
    — Je m’en souviendrai toujours !
    Après avoir connu la fureur des hommes, leurs complots, leurs trahisons, Isabelle lui offrait spontanément quelque chose de pur, de sincère, le plus subtil peut-être des sentiments – en tout cas celui qui, sur le moment, pouvait seul le réconforter : la tendresse.
    — Tu parais bon et avenant, dit-elle.
    Cette opinion bouleversa Ogier alors qu’en toute autre circonstance il en eût ri, sans

Weitere Kostenlose Bücher