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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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de Guillaume ne comprenait-elle pas que cette fille maléficieuse devait jouir de sa déchéance plus encore que de leurs errements ?
    — Tu ne te tueras pas… Tu m’attendras.
    Tancrède avait prestement contourné la servante. Le ventre contre ses reins, elle posa les lèvres sur sa nuque, passa ses bras sous ses aisselles et lui caressa les seins par l’échancrure du vêtement où le vent dru s’engouffrait.
    « Ça alors… Si je m’attendais… Bon sang, si elles veulent qu’on les tâtonne qu’elles s’adressent… »
    À lui, Ogier ? Absurde ! Il ne pouvait détacher ses regards de ces reins creux et de ces nasches [132] bellement rebondies. S’il en distinguait bien peu, il pouvait en imaginer la tiédeur, le grain, la suavité… Et voilà que Tancrède se recollait face à Gersende qui sanglotait et lui disait : « J’ai peur » d’une voix semblable à un râle.
    — Peur ? Mais de quoi ? Tu sais bien que je t’aime.
    — Alors, serre-moi bien fort…
    Cette ferveur, ces voix mouillées d’une inconcevable langueur parurent pires qu’obscènes au jouvenceau. Il eut une pensée attristée pour Guillaume : en chevauchant, le baron lui avait ressassé qu’il existait entre les seigneurs et les manants une barrière infranchissable. Comment eût-il réagi en trouvant sa préférée baisotant et tendressant sa chambrière ?
    — Je reviendrai… Je ferai en sorte que la prieure me renvoie.
    Silence. Parfums noirs des bois de la charpente énorme, odeurs floues des pierres et des sombres forêts gorgées de sève, de pluie, de mystère, et cernant de leurs effluves emmêlés ces deux corps palpitant de douceurs et de turbulences impures.
    Ogier commençait à s’exaspérer contre son immobilité, contre cet intervalle qui s’amenuisait à mesure que les deux filles se déplaçaient dans sa direction. Il essaya de se désenliser : « Ribaudes !… Mécréantes ! »
    L’une éplorée, l’autre, malgré ses mines altières, aveulie par ses goûts insensés.
    — Viens, dit la chambrière, descendons.
    — Pas encore… Plus j’aurai froid et plus tu me réchaufferas.
    Le garçon avait oublié sa tristesse et jusqu’aux jérémiades de Mathilde. Tapi, grelottant, les genoux et les reins lourds, il se gorgeait les sens et la vue de ces corps plus attrayants dans les vapeurs nocturnes et les plis folâtres des étoffes que s’ils avaient été nus et précis. Damnées ! Elles devaient avoir coutume de prendre un bon bain de nuit avant de se plonger ailleurs – mais où ? – dans un long bain de volupté. Nues, bien sûr… Quelles caresses et quelles effronteries ? En ébaucheraient-elles avant de disparaître ?
    — Viens, il nous faut partir… Nous nous sommes tout dit.
    Le bras demi-nu de la domestique ceintura Tancrède. Sa main descendit et retroussa sa robe afin de mieux saisir une cuisse à demi gainée d’ombre et qui ne s’effaça pas.
    « Il est heureux qu’elle parte au loin !… Après ce que je sais, jamais je n’aurais pu m’entendre avec elle. »
    Et pourtant… Ce dos creux, ces bras nacrés de lune… Ces hanches douces… Splendeurs… Et ces étoffes minces, ridées de vent, ce grand vent ténébreux qui les atteignait toutes…
    Le garçon appuya son front contre le bois rude et piquant : « Je n’aurais pas dû monter et je ne peux partir sans qu’elles ne me découvrent. » Ses mains, ses lèvres tremblaient. Il était dur dans toutes ses extrémités, tendu comme un arc prêt à lâcher son trait. Il se dressa lentement : « Si elles me voient, je rirai et partirai sans un mot… La moquerie leur sera plus cruelle encore que le mépris. » Et tout à coup, alors que, prenant des risques, il s’apprêtait à contourner son abri, un fantôme surgit de la guette : Didier.
    Gersende se retourna et vit le regard dont cet intrus les enveloppait, sa compagne et elle. Nullement contrariée – du moins en apparence –, mais d’un geste qu’Ogier trouva insolent par sa lenteur même, elle se désunit de Tancrède, que le vent engloutit dans une de ses vagues. Sans se détourner, la fille du baron protesta :
    — Viens contre moi !… Réchauffe-moi !… Qu’est-ce qui te prend ?
    Ogier sentit d’irritants picotements sur sa peau. Didier, sans précipitation, avançait.
    — Tiens, c’est toi, feignit de s’étonner la chambrière pour préparer Tancrède à un affrontement.
    — Cousin !
    Elle s’était brusquement

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