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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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baron s’adressa au perturbateur :
    — Laisse-nous.
    — Es-tu sourd ? questionna Gersende. Elle te dit de partir. Allez, va te faire foutre par Haguenier ou Renaud !
    La main de Didier allait s’abattre sur la servante quand Tancrède s’interposa.
    — À la jouée, cousin, préférerais-tu la fessée ? Ce serait plus dans tes goûts.
    — Hé, qui sait ? s’esclaffa Gersende. Voyez donc ses yeux, damoiselle. Est-ce donc ça que tu veux voir, Didier ?
    Portant soudain ses mains au col de sa chemise, la chambrière fit saillir sa poitrine par l’échancrure du vêtement, et se pencha, doucereuse :
    — Comment les trouves-tu ? En as-tu gardé souvenance ? Touche-les donc si l’envie t’en démange.
    Elle soupesait, tâtonnait ses seins devant le garçon interloqué. Tancrède avait eu un mouvement de protestation ; elle pouffa et proposa :
    — Touche-les, cousin, touche-les donc… Pourquoi te priver de ce solas [133] puisque cette putain te les offre ? Pince-les ou mords-les, même, si ça te tente !
    Elle se tourna vers Gersende, figée, désolée par cette injure et ces invites inattendues.
    — Approche-toi de lui… Allons, obéis donc… Où as-tu fourré ton audace ?
    La voix était féroce : Tancrède ne pardonnait à sa complice ni son geste ni la crudité de sa proposition.
    — Hé ! Hé ! fit Didier tandis que la chambrière dissimulait sa poitrine. En un soir, j’en aurai vu de belles… Bonne nuit. Je vous laisse vous aouser [134] .
    Des murmures coléreux le poursuivirent. Parvenu sur le seuil de la guette, et tout comme Ogier ramassé dans l’ombre, il entendit le «  Oh ! » consécutif au claquement sec d’une gifle. Il se retourna pour voir Tancrède empoigner Gersende par les cheveux et la secouer furieusement.
    — Malicieuse ! Cagne ! Effrontée !… Pourquoi t’es-tu montrée ainsi ?
    Marchant à reculons, la fille du baron entraîna sa servante, puis la poussa des poings et des genoux dans l’escalier où elles disparurent. Et tandis qu’elles s’enfonçaient dans le ventre de la tour, des «  Saligote ! Saligote ! » retentirent aux oreilles d’Ogier ainsi que les protestations de plus en plus faibles de Gersende :
    — Il ne les a pas touchés, m’amie ! Je savais qu’il ne l’oserait !
    Une porte grinça et ce fut le silence.
    Méfiant, Ogier descendit dans les profondeurs noires.
    « Les gaupes ! »
    Sa pensée n’allait pas au-delà de ces mots. Et si les battements de son cœur s’apaisaient, sa bouche conservait comme un goût d’amertume.
    La torche se consumait sous la voûte, entre la tour et l’échansonnerie. Plus loin, la porte de la chambre était entrebâillée. Une lueur bougeait à l’intérieur.
    Ogier s’approcha sans crainte et poussa brusquement le battant.
    Il y eut un jappement et il vit, assise sur son lit, une jouvencelle vêtue de noir, un chiot dans les bras. Elle se leva. Elle semblait apeurée.
    — Que faites-vous là ? s’étonna-t-il. Ah ! je crois comprendre : Mathilde vous a chargée de m’apporter cette chandelle.
    C’était plutôt un tronçon de cierge collé sur une écuelle bosselée. La flamme en était haute et large. L’inconnue secoua la tête :
    — Mathilde ne m’a rien dit, messire. J’ai passé la journée en bas, au chevet de mon père. Comme je revenais du hameau, Benoît, un regard [135] , m’a dit qu’elle avait fait vider ma chambre pour vous la donner… Je ne l’ai pas crue… Nous allons partir.
    Elle baisa le petit chien sur l’oreille, puis, tout en regardant, soucieuse, autour d’elle :
    — J’avais des esclots et, dans un coffre, quelques linges, deux robes… Dieu sait ce qu’ils sont devenus !… Et comme ce soir, notre seigneur étant de retour, il serait malséant de titiller Mathilde, il me reste à aller coucher dans le fourrage des étables en attendant qu’elle veuille bien me donner un lit où bon lui plaira.
    Embarrassé par tant de patience et de résignation, Ogier ne sut que dire. Il était un intrus dans ce logis misérable. Pourquoi cette fille acceptait-elle aussi aisément d’en être exclue ? Elle aurait dû pleurer, crier, supplier qu’on le lui laissât.
    — Pouvez-vous me confier votre dague ?
    — Je veux bien, mais pourquoi ?
    — Le fourrage, messire. Dedans, j’y crains moins les rats que les hommes.
    Elle fit un pas vers la porte. Serré contre sa poitrine, le chiot émit un gémissement.
    — Attendez,

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