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Les Mains du miracle

Les Mains du miracle

Titel: Les Mains du miracle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joseph Kessel
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mes
malades.
    Il ne resta plus à Kersten qu’à
aider son vieux maître à faire ses valises. Le lendemain, le docteur Kô prit le
train pour Le Havre d’où il devait s’embarquer pour Singapour, d’où il devait
regagner son Tibet natal.
    Et Kersten n’entendit plus jamais
parler du docteur Kô.
     

CHAPITRE II
Un homme heureux

1
    La vie matérielle de Kersten changea
pour ainsi dire du jour au lendemain. Le docteur Kô avait une clientèle
considérable. La personnalité de son disciple, sa vigueur, sa rondeur, son
charme simple et courtois, sa bonté, sa jeunesse et le fait que, homme
d’Europe, il pratiquait les techniques d’Asie avec une science de vieux lama,
lui attirèrent tant de malades que, bientôt, il fallut s’inscrire chez Kersten
trois mois à l’avance.
    Il loua un grand appartement, l’orna
de bons meubles, acheta une belle voiture, prit un chauffeur.
    Élisabeth Lube surveilla, dirigea
ces démarches. Quand tout fut prêt, elle vint tenir la maison.
    Une telle réussite et si prompte ne
pouvait manquer de susciter l’envie professionnelle. Mais les propos
malveillants importaient peu à Kersten. Il avait l’appui du professeur Bier et
d’autres maîtres célèbres de la Faculté, et les résultats que son art obtenait
témoignaient pour lui.
    Sa renommée se répandit au-delà de
l’Allemagne.
    En 1928, la reine Wilhelmine de
Hollande fit appeler Kersten à La Haye pour examiner son mari, le prince Henri
des Pays-Bas.
    Kersten ausculta ce dernier du bout
des doigts, selon la méthode que lui avait enseignée son maître tibétain, et
trouva une maladie de cœur très grave. D’autres médecins, assurément, avaient
fait le même diagnostic. Mais les meilleurs n’arrivaient pas à tirer le prince
de son état de prostration et ne lui donnaient que six mois de vie. Kersten le
rendit tout de suite et pour des années à une activité normale.
    Ce voyage eut sur Kersten une
influence étrange : lui qui n’était jamais venu en Hollande, il s’y trouva
dès le premier contact merveilleusement à l’aise, en accord complet avec la
nature et les gens. Il ne voulait pas croire que ce fût l’appel du sol, de la
race. Il y avait plus de cinq siècles que sa famille avait quitté la Hollande,
puis elle avait habité Goettingen, puis la Prusse-Orientale, enfin le Pays
Balte. Le sang avait connu bien des mélanges. Pourtant, il semblait à Kersten
qu’il trouvait en Hollande son climat véritable, son terreau naturel.
    La faveur dont il fut l’objet, à la
cour comme à la ville, après le rétablissement du mari de la reine, précipita
et justifia l’appel de l’instinct. Kersten, habitué cependant à peser ses
décisions avec patience et prudence, résolut d’un seul coup de se fixer aux
Pays-Bas.
    Il garda son appartement de Berlin
pour y recevoir sa clientèle allemande, mais son domicile essentiel, légal, son
foyer d’élection, il l’établit à La Haye.
    Dès lors, il partagea régulièrement
son existence entre les deux capitales. Dans l’une comme dans l’autre, Élisabeth
Lube dirigeait toutes les routines domestiques. Gouvernante et secrétaire à la
fois, elle continuait d’être pour Kersten l’amie la plus sûre et la plus
efficace.
    Elle eut bientôt à s’occuper d’une
troisième demeure.
    Parmi les patients de Kersten,
comptait Auguste Rosterg, propriétaire de mines et fabriques de potasse, l’un
des industriels les plus puissants de l’Allemagne. Sa fortune, à cette époque,
était évaluée à 300 millions de marks.
    Il souffrait de migraines
chroniques, de douleurs internes diffuses mais lancinantes, de troubles de la
circulation, de fatigues atroces, d’insomnies épuisantes, bref de ce mal
particulier aux grands remueurs d’affaires, aux hommes que dévorent leurs
travaux, leurs ambitions et leurs responsabilités.
    Rosterg s’était adressé aux
spécialistes les plus célèbres. Il avait pris des médicaments et fait des cures
de toutes sortes. Rien ne l’avait aidé. Le repos même qu’on lui prescrivait en
désespoir de cause devenait la pire des tortures. Il eut recours à Kersten.
    Or, le surmenage à ces limites
extrêmes, la débâcle des nerfs, étaient précisément le domaine où la
thérapeutique enseignée par le docteur Kô avait le plus de pouvoir puisque,
précisément, elle agissait sur le système nerveux. Kersten soulagea, libéra,
sauva Auguste Rosterg.
    Le traitement achevé, l’industriel
demanda à Kersten quels

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