Les Mains du miracle
peut-être encore
ensevelis dans les dossiers, mais l’année même où Schellenberg, en tant que
lieutenant d’Himmler, fut jugé et condamné en Allemagne vaincue, des victimes
d’Himmler, qui devaient la vie à Kersten, parlaient pour lui et parlaient haut
en Hollande libérée.
Car la Hollande, au cours des
années qui suivirent 1930, avait été la véritable patrie de Kersten et, en
1940, lorsqu’il s’était trouvé virtuellement prisonnier en Allemagne, il ne
l’avait pas oublié. Il s’était servi de son influence sur Himmler pour sauver
de nombreux Hollandais de la mort ou de la déportation. Alors, en 1948,
certains de ces Hollandais, apprenant la disgrâce qui pesait sur Kersten en
Suède, cherchèrent à justifier leur bienfaiteur. Et ils réussirent. Sur
l’instigation d’un historien hollandais éminent, le professeur
N. W. Posthumus, à celle époque directeur de l’Institut hollandais de
Documentation de guerre, une commission spéciale fut nommée pour enquêter sur
les activités de Kersten. Les commissaires virent, entendirent des douzaines de
témoins et ils examinèrent des milliers de documents. En 1949, ils publièrent
leur rapport. Ils démontraient que les nombreuses calomnies concernant Kersten
étaient sans fondement et qu’en fait celui-ci avait sauvé des milliers de vies
humaines, de toutes nationalités, et cela en de nombreuses occasions et au prix
de risques immenses pour sa personne et pour ses biens, sans compter ses
interventions afin de sauvegarder les intérêts hollandais, les biens et les
trésors hollandais. Ce fut après ce rapport que Kersten fut, en 1950, fait
Grand Officier de l’Ordre d’Orange-Nassau et qu’il en reçut les insignes des
mains du prince Bernhardl des Pays-Bas.
Depuis 1950, je suis moi-même en
contact avec le docteur Kersten. Même après avoir publié mon compte rendu Les derniers jours d’Hitler, je demeurai intéressé par la chute du
III e Reich et, en 1952, je fus amené à reconsidérer l’histoire
de l’expédition de secours suédoise qui, au printemps 1945, sauva de nombreux Scandinaves
et de nombreux Juifs de la mort en camps de concentration et qui permit à celui
qui la dirigeait, Folke Bernadolte, d’avoir ses entretiens célèbres avec
Himmler. Je n’ai pas besoin d’entrer ici dans les controverses historiques
auxquelles cette étude m’entraîna. Qu’il me suffise de dire que la discussion
de ces faits, en Suède et ailleurs, me conduisit à revoir le rôle de
Kersten dans cette affaire. Fin 1953, on lui accorda enfin la nationalité
suédoise qu’il avait longtemps sollicitée. En 1956, le ministère des Affaires
étrangères suédois, dans un Livre Blanc officiel, reconnut que le passage de
l’expédition de secours en 1945 avait été préparé, et le succès de cette
expédition assuré, par l’indispensable activité secrète en Allemagne, à la cour
d’Himmler, de Félix Kersten.
Ceci fut la vie publique de
Kersten, telle que je la connais par mon travail secret pendant la guerre et
par mes recherches historiques en temps de paix. Elle lui donne droit à une
petite place dans l’histoire de la guerre, à une petite niche dans le temple de
la Renommée ; et je suis heureux d’ajouter le poids de mon autorité pour
soutenir une vérité souvent discutée. Joseph Kessel en développera le récit à
la fois beaucoup mieux et beaucoup plus en détail que je ne peux le faire. Mais
quelle est maintenant la vie privée de Kersten ? Elle continue d’être
comme auparavant, en marge de la médecine classique, couronnée de succès. Avant
la guerre, Kersten, en Allemagne et en Hollande, traitait des magnats et des
princes. Aujourd’hui, son point d’attache étant Stockholm, il a toujours en
Allemagne, en Suède, en Hollande et en France, les puissants de ce monde pour
patients. J’espère qu’il en sera longtemps ainsi, mais que le docteur Kersten
n’aura jamais un autre Himmler à soigner.
H. R. Trevor-Roper,
Titulaire de la chaire d’histoire
moderne à l’Université d’Oxford.
CHRONOLOGIE SOMMAIRE
30-1-1933
Arrivée de
Hitler au pouvoir.
30-6-1934
Hitler fait
assassiner Roehrn, grand chef des S.A., par Himmler et les S.S.
13-3-1938
Annexion de
l’Autriche.
29-9-1938
À Munich, les
chefs du gouvernement anglais et du gouvernement français, Chamberlain et
Daladier, abandonnent à Hitler une partie de la Tchécoslovaquie.
15-3-1939
Annexion
complète de la
Weitere Kostenlose Bücher