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Les Mains du miracle

Les Mains du miracle

Titel: Les Mains du miracle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joseph Kessel
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ce Finlandais.
    — Il entre chez Himmler comme
il veut, tandis que pour nous c’est le protocole le plus strict.
    — Il a été à la Cour de
Hollande. C’est un ami de nos ennemis. Encore hier, il a dit : « La
reine Wilhelmine est l’honnêteté même » alors qu’elle a trahi la cause
allemande et que, maintenant, elle est chez les Juifs en Angleterre et payée
par les Juifs.
     
    Dans le mess, toutefois, un homme ne
partageait pas cette animosité générale. Il avait le grade le plus modeste,
sous-lieutenant, mais il occupait un poste essentiel : secrétaire
particulier de Himmler.
    Taille au-dessous de la moyenne,
très tranquille, très simple, très aimable, Rudolph Brandt n’était, en vérité,
comme Kersten, qu’un civil égaré parmi les officiers supérieurs et les policiers,
les espions, les tueurs en uniforme, qui emplissaient le train spécial. Docteur
en droit, et l’un des meilleurs sténographes d’Allemagne, Brandt était, un peu
avant la guerre, premier rédacteur au Reichstag. Un jour, Himmler avait demandé
à ses services de lui trouver un sténographe excellent. On désigna Brandt. Il
n’avait aucune affinité avec les nazis, mais n’osa pas refuser. Il fut aussitôt
inscrit dans les Waffen S.S. et habillé comme eux. Son intelligence rapide, sa
culture étendue, son charme paisible et sa grande discrétion lui avaient très
vite valu l’estime et la confiance du Reichsführer.
    Comme Brandt souffrait de maux
d’estomac, Himmler, dans le train, avait demandé à Kersten de le traiter. Ainsi
Brandt et Kersten furent amenés à de nombreuses rencontres.
    Ils y montrèrent, au début, une
prudence extrême. Dans un milieu où la délation était pratiquée de façon
continuelle, et parmi des gens dont la fonction était de traquer, dépister,
extirper tout mouvement de pensée contraire au national-socialisme, il fallait,
quand on ne connaissait pas à fond son interlocuteur, mesurer chaque propos.
Dans des entretiens de cette nature, les intonations, les silences, les
sous-entendus, les regards, comptaient plus que les paroles.
    Ce fut ainsi que Brandt et Kersten
se reconnurent peu à peu, au milieu d’une meute de fanatiques et d’arrivistes
sans merci, pour deux hommes isolés qui n’avaient pas perdu le sentiment de
l’humain. Et Brandt finit par prévenir Kersten, à demi-mot, que plusieurs des
familiers de Himmler, particulièrement ceux qui dirigeaient la Gestapo, avaient
mis en garde le Reichsführer contre son docteur. On avait signalé la tristesse
de Kersten en ces jours de victoire, on l’avait accusé de tiédeur envers les
principes hitlériens. On avait même insinué qu’il pouvait être un agent secret,
un espion.
    Kersten mit l’avertissement à profit
dans le moment qu’il savait lui être le plus propice : pendant l’une des
pauses du traitement.
    — Je me suis aperçu qu’on me
déteste dans votre entourage, dit-il à Himmler, étendu sur la couchette de son
compartiment.
    — C’est vrai, dit celui-ci.
    — Et je pense qu’on a dû vous
faire des rapports sur mon compte, reprit le docteur.
    — Cela est vrai encore, dit
Himmler.
    Il haussa légèrement ses faibles
épaules nues et ajouta :
    — Ce sont des imbéciles ;
ils ne vont pas croire, tout de même, qu’on puisse me tromper !
    Himmler se redressa un peu sur les
coudes.
    — Je m’y connais en hommes,
dit-il. Je vois que vous faites tout pour moi, et, quoi qu’on puisse me
raconter, j’ai pour vous reconnaissance, confiance et amitié entières.
    L’incident fut réglé de la sorte,
mais ni la sécurité que lui garantissait Himmler, ni la sympathie qui
commençait de le lier à Rudolph Brandt, ne pouvaient tirer Kersten de sa
mélancolie et dissiper le sentiment de solitude qui l’écrasait. Il avait besoin
de retrouver des lieux familiers, des amis avec lesquels il pût partager sa
détresse. Berlin était trop loin, mais La Haye se trouvait tout près, à
quelques heures de voiture. Un voyage dans cette ville n’empêcherait pas les
soins quotidiens qu’il donnait à Himmler. Pendant un traitement, Kersten dit à
ce dernier :
    — J’ai très envie de voir
l’état de ma maison. Tous mes beaux meubles, tous mes tableaux de prix sont
là-bas. Une journée me suffirait.
    Mais Himmler, malgré son amitié pour
Kersten, ou à cause d’elle, se montra intraitable.
    — Rien à faire, dit-il. Les
nazis hollandais m’envoient accusation sur accusation à votre

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