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Les Mains du miracle

Les Mains du miracle

Titel: Les Mains du miracle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joseph Kessel
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j’ai vu la guerre russo-japonaise. J’ai
appris une chose : les guerres passent, la terre reste…
    Mais le temps des fêtes de Noël
s’acheva. Il fallut sortir de la coquille.
     

12
    D’après un programme établi
méthodiquement et longtemps à l’avance, Kersten devait traiter ses malades
allemands à Berlin pendant les quatre premiers mois de l’année 1940, puis
regagner La Haye où ses rendez-vous étaient déjà fixés jour par jour, heure par
heure, pour la période suivante.
    Jusqu’à la fin d’avril, Kersten
soigna Himmler et conversa avec lui chaque matin.
    Le Reichsführer était alors à fond
pour l’entente de l’Allemagne et de la Russie. En outre, avec la même certitude
qu’il avait montrée pour affirmer que la guerre serait finie au Nouvel An, il
prédisait la paix pour l’été.
    Il ne faisait naturellement que
répéter les propos de Hitler qu’il voyait une et souvent deux fois par jour.
    C’était le 1 er  mai
que commençait à La Haye le cycle des traitements hollandais prévus par
Kersten. Le 27 avril, le docteur remit son passeport à Himmler pour avoir
plus rapidement un visa de sortie. Le Reichsführer avait de lui-même offert à
Kersten cette facilité. Himmler promit que tous les ordres seraient donnés pour
rendre aussi aisé que possible le voyage de Kersten. Il acheva en disant :
    — Vous pouvez passer les
derniers jours d’avril sans aucun souci dans votre propriété. Tout sera en
règle.
    Le lendemain, la sonnerie du
téléphone retentit dans le bureau spacieux que Kersten s’était aménagé dans sa
maison de campagne. Himmler l’appelait.
    « Aurait-il une crise
subite ? » pensa le docteur en attendant la communication.
    Mais la voix de Himmler, qu’il
connaissait maintenant si bien, ne portait aucune intonation de souffrance.
Elle était au contraire alerte et même gaie.
    — Mon cher docteur, dit
Himmler, je tiens à vous avertir qu’il m’est impossible, pour le moment,
d’avoir votre visa de sortie.
    Kersten poussa un léger cri de
surprise, mais il n’eut pas le temps de prononcer un mot. Himmler poursuivait
déjà :
    — La police est trop occupée.
Attendez donc tranquillement à Hartzwalde.
    — Voyons, Reichsführer, voyons,
dit Kersten qui croyait mal à ce qu’il venait d’entendre, comment se peut-il
que vous n’obteniez pas un visa, même si la police est plus qu’occupée, même si
elle est débordée ? Je dois être absolument le 1 er  mai,
c’est-à-dire dans deux jours, à La Haye. J’ai rendez-vous avec une dizaine de
malades.
    — Je regrette, je ne peux rien
pour vous faire sortir d’Allemagne, dit Himmler.
    Sa voix demeurait gaie, amicale,
mais Kersten sentit en elle une décision irrévocable.
    — Mais enfin, pourquoi ?
s’écria-t-il.
    — Ne me posez pas de questions.
C’est impossible, voilà tout, dit Himmler.
    — C’est très bien, répliqua
Kersten. Dans ce cas, pour avoir mon visa, je m’adresserai à la légation de
Finlande.
    À l’autre bout du fil, Kersten
entendit un éclat de rire, puis la voix amusée de Himmler :
    — Je vous garantis, cher
monsieur Kersten, que là où je ne peux rien, aucune légation ne fera davantage.
    La voix, à l’autre bout du fil,
devint tout à coup très sérieuse :
    — Je demande, dit Himmler,
j’exige que vous restiez la semaine qui vient dans votre propriété, sans en
sortir.
    Jusque-là Kersten était seulement
passé de la stupeur à l’irritation. Maintenant, il ressentait un singulier
malaise. En même temps, il ne pouvait s’empêcher de penser : « Si je
ne l’avais pas remis en pleine forme, il ne me parlerait pas de cette façon. »
    Il y eut un bref silence et Kersten
demanda :
    — Alors, je suis interné ?
    — Interprétez cela comme il
vous plaira, dit Himmler.
    Soudain, Kersten l’entendit rire de
nouveau.
    — Mais soyez assuré que la
Finlande ne nous déclarera pas la guerre à cause de vous ! dit le
Reichsführer.
    Là-dessus, il raccrocha brusquement.
    Quelques minutes plus tard, toute
communication était coupée entre Hartzwalde et le monde extérieur.
    Il fallut douze jours d’impatience,
d’anxiété, de colère, pour que le téléphone résonnât de nouveau dans la maison
de Kersten. C’était le 10 mai, de très bonne heure. L’appel venait du
Grand Quartier S.S. et l’on priait le docteur, au nom du Reichsführer, de se
rendre immédiatement à Berlin pour voir ce dernier.
    La rage était un

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