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Les Mains du miracle

Les Mains du miracle

Titel: Les Mains du miracle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joseph Kessel
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Hollande soit de nos amis.
Je voudrais bien savoir qui vous a envoyé en Allemagne.
    — Himmler pourrait mieux vous
répondre que moi, dit Kersten.
    Les yeux de Heydrich étaient devenus
immobiles et son sourire figé.
    — Le jour n’est plus loin où
c’est vous qui aurez à me répondre, dit-il.
    — Ne pensez-vous pas que vous
présumez trop de votre pouvoir ? demanda Kersten.
    Il avait parlé tranquillement pour
ne pas donner prise sur lui, pour ne point paraître coupable, mais la peur
commençait à le saisir. Jusqu’où allaient les ordres de Hitler ? Avait-on
pu joindre Himmler à Munich ? Sa liberté, sa vie dépendaient de cela…
    Dans un bureau voisin, le téléphone
sonna. Heydrich s’y rendit. Resté seul, Kersten regarda sa montre. Il y avait
des heures qu’il était dans cette pièce. Il tendit l’oreille. Était-ce enfin
Himmler qui appelait ? Mais il n’entendit rien.
    Heydrich revint, reprit son siège,
alluma une cigarette, sourit.
    — Où en étions-nous… ah, oui…
la Hollande, dit-il. Je m’étonne en particulier que vous soyez si bien informé
sur ce pays.
    La peur de Kersten se fit plus vive.
La correspondance secrète qu’il entretenait avec ses amis des Pays-Bas, si elle
était surprise, le vouait au pire châtiment. En principe, le numéro postal de
Himmler lui garantissait une sécurité absolue. Mais de quoi pouvait-on être
sûr ?
    — Ne voudriez-vous pas me
confier la source de vos renseignements ? demanda Heydrich.
    Pour cacher sa crainte, Kersten se
mit à rire.
    — Peut-être suis-je clairvoyant,
dit-il.
    — Peut-être le suis-je aussi,
dit Heydrich. Je commence même à deviner qui vous êtes et je le prouverai
bientôt.
    Les yeux fixés sur le docteur
exprimaient une résolution impitoyable. Kersten pensait à la manière dont se
poursuivaient les interrogatoires dans les caves de la Gestapo, sur la chair
des hommes.
    Heydrich se leva et dit :
    — Vous êtes libre. Himmler
vient de me téléphoner. Il se porte garant de votre loyauté devant le Führer
lui-même. Je suis donc forcé de vous laisser aller. C’est un ordre formel de
mon chef. Mais soyez prêt à revenir ici, dès que je vous en aviserai. Nous nous
reverrons, soyez tranquille.
    Kersten sortit de son pas habituel.
C’est dehors seulement qu’il sentit combien il avait eu peur. [6]
     

3
    À son retour de Munich, Himmler fit
venir Kersten tout de suite. Mais non pour recourir à ses soins. Il fumait un
cigare, ce qui était signe de santé, et faisait descendre et remonter sur son
front les verres de ses lunettes, ce qui était signe d’humeur agressive.
    Il ne fit pas une seule allusion
cependant à l’interrogatoire mené par Heydrich. À cet égard, sans doute, il
jugeait Kersten au-dessus de tout soupçon. Et il n’aimait pas désavouer ses
subordonnés ouvertement.
    — J’ai là, dit-il en frappant
avec irritation du plat de la main le dossier placé devant lui, j’ai là un
rapport de La Haye qui m’informe que vous avez toujours votre appartement et
vos meubles dans cette ville. Est-ce vrai ?
    — C’est vrai, dit Kersten.
    — Je vous ai pourtant envoyé
là-bas, il y a presque un an, avec instruction formelle de tout liquider, cria
Himmler.
    Kersten savait qu’il était très
dangereux – même pour lui – de donner au Reichsführer le sentiment
que l’on se moquait de ses ordres. Heydrich n’avait pas perdu de temps. Mais la
réplique était facile et depuis longtemps préparée.
    — Rappelez-vous, dit Kersten,
que j’ai dû interrompre tout à coup mon déménagement de Hollande afin de
revenir vous soigner. Vous étiez très mal. J’ai tout laissé pour vous obéir.
    Himmler se calma aussitôt. Il
souffrait toujours d’avoir à soupçonner Kersten, son guérisseur, son seul
confident, son seul ami.
    — Vous avez raison, dit-il.
Mais cette fois, je vous en prie, il faut en finir. Vous aurez tous les camions
nécessaires.
    Il ajouta comme pour
s’excuser :
    — Vous comprenez, il m’est
impossible d’avoir l’air, pour mes services, de manquer d’autorité.
    — C’est promis, dit le docteur.
Pour faire plus vite, ma femme viendra avec moi.
    Le 6 juin, tous les biens que
le docteur avait possédés en Hollande – vieux meubles, beaux livres, tableaux
de maîtres – étaient à Hartzwalde.
     

4
    Deux semaines plus tard, le
21 juin 1941, Hitler jeta toutes ses forces à la conquête de la
Russie.
    Kersten s’attendait à ce coup

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