Les Mains du miracle
reviendrai, dit Kersten. D’ailleurs, Élisabeth Lube, ma grande amie, ma
sœur, reste à Hartzwalde.
— C’est bien ce que je pensais,
dit Himmler.
Il était rassuré, il avait un otage.
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Mais le Reichsführer avait un autre
sujet d’angoisse. Il s’en ouvrit à Kersten, lorsqu’ils se retrouvèrent de nouveau.
— Ce que je redoute, dit
Himmler, c’est de tomber très malade en votre absence. Cela m’est arrivé
pendant votre dernier voyage et j’ai cru devenir fou. J’aurais donné n’importe
quoi pour être en contact rapide avec vous, pour recevoir ne fût-ce que vos
conseils pendant ma crise. Même cela m’aurait fait du bien, j’en suis sûr.
— Je le crois aussi, dit
Kersten. L’influence morale agit beaucoup sur les nerfs.
Himmler s’agita faiblement sur son
lit étroit et dur. Il gémit :
— Vous voyez, la seule crainte
de ne pas pouvoir communiquer promptement avec vous me rend anxieux et
l’anxiété provoque les crampes. Et vous êtes là ! Que vais-je devenir
quand vous serez en Suède ? Pour un échange de lettres, il faut des jours
et des jours. Et, par télégramme, on ne peut pas expliquer un cas médical.
Un moyen aisé vint subitement à
l’esprit de Kersten, et si plein de promesses qu’il lui parut inaccessible. Il
dit pourtant :
— J’ai appris à Stockholm que
Ribbentrop s’entretient très souvent par téléphone avec l’ambassade allemande.
Pourquoi ne me feriez-vous pas appeler des bureaux de Ribbentrop ?
— Pour rien au monde !
s’écria Himmler. Je ne veux pas que ce voyou sache quoi que ce soit de mes
affaires privées ! Plutôt crever de souffrance !
La difficulté ne fit que surexciter
l’imagination de Kersten. Formulée au hasard un instant plus tôt, son idée
maintenant lui apparaissait comme un besoin indispensable. Il pensait aux
décisions rapides qu’il faudrait prendre à Stockholm et qui, toutes,
dépendraient de Himmler. Le lien direct avec lui serait un avantage immense.
— Il n’y a que les services de
Ribbentrop pour communiquer avec vous par téléphone ? demanda le docteur.
— Uniquement, dit Himmler. Il
est impossible de téléphoner, en temps de guerre, avec l’étranger. Seuls en ont
le droit le Q.G. de Hitler et le ministère des Affaires étrangères.
— Pensez-y bien, Reichsführer,
pria Kersten. Il n’est vraiment, vraiment pas possible que
je téléphone de Stockholm à Hartzwalde, ou que je me fasse appeler de
Hartzwalde à Stockholm ?
— Absolument pas possible, dit
Himmler.
— Même si vous êtes gravement
malade ? s’écria Kersten. Un homme de votre qualité ! Un chef de
votre envergure !
L’appel à la peur et à la vanité eut
enfin le résultat que cherchait Kersten.
— Laissez-moi tout de même le
temps de réfléchir, dit Himmler d’un ton brusque.
Le lendemain, il reçut le docteur
avec un sourire de triomphe et s’écria :
— Voilà, voilà, tout est
réglé !
Il hocha la tête et poursuivit,
plein de complaisance et de compassion pour lui-même :
— Voyez-vous, cher monsieur
Kersten, j’ai tant de charges, tant d’attributions et si peu le souci de mes
prérogatives personnelles que je ne connais pas toute l’étendue de mes droits.
Or, depuis hier, Brandt a pris ses informations et j’ai su que, en qualité de
ministre de l’Intérieur, j’ai à ma disposition une ligne téléphonique privée
sur laquelle j’ai le droit de communiquer avec l’étranger. Comme je n’ai jamais
eu besoin de m’en servir, je n’y avais pas pensé. Elle a le numéro 145.
Le Reichsführer fit un petit geste
amical et dit :
— Elle est à vous.
Himmler prit un temps assez long
pour donner toute leur valeur à ces paroles et poursuivit :
— Quand vous téléphonerez de
Stockholm chez vous, à Hartzwalde ou à l’un de mes Q.G. – Berlin,
Hochwald, Berchtesgaden ou ailleurs – demandez d’abord le n°145 et, quand
vous l’aurez obtenu, donnez le numéro particulier que vous désirez. Vous aurez
n’importe quelle communication en moins d’une demi-heure. Brandt a prévenu les
Postes et la Gestapo que vous avez, de Stockholm, le droit de communication en
priorité avec Hartzwalde et mes Q.G. Rien de plus simple, n’est-ce pas ?
L’espace d’un instant, le docteur ne
fut pas capable de répondre. Tant de facilité pour obtenir un privilège
exorbitant le laissait incrédule. Devenir soudain la seule personne privée dans
le III e Reich qui
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