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Les mannequins nus

Les mannequins nus

Titel: Les mannequins nus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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juin 1934, allait me détourner d’une voie dans laquelle je m’étais engagé avec tant de conviction et d’assurance. Contrairement à mes habitudes, je mis pas mal de temps avant de me décider. Mais la tentation de redevenir soldat était trop forte, suffisamment forte en tout cas pour m’empêcher de tenir compte des objections de ma femme. Elle se demandait si je trouverais vraiment une satisfaction intérieure dans le métier qu’on me proposait et s’il parviendrait à m’accaparer tout entier. Mais lorsqu’elle vit à quel point j’étais attiré par mon vieux métier de soldat, elle me donna son accord. On m’avait promis un avancement rapide avec tous les avantages matériels que cela comporte.
    Le reste : apprentissage du crime à Dachau (chargé des exécutions capitales) ; apprentissage de l’administration à Oranienburg ; apprentissage enfin de la mort à l’échelle industrielle. Le crime absolu. Auschwitz.

2

UN « CAMP POLONAIS »
    Juin, juillet, août 1940 : les premiers convois. Auschwitz, camp « très ordinaire » , ne se distingue en rien des centres de « redressement » ou de « privation de liberté » implantés dans les différents territoires du nouveau grand Reich. Les arrivants, tous Polonais, s’attellent à la construction des blocks. Peut-être le régime quotidien est-il un peu plus sévère, un peu plus brutal qu’à Dachau ou Buchenwald !
    — Nous (9) étions plus de 1 700, exténués par tout ce que nous avions vécu dernièrement, par l’insomnie et par les conditions terribles du voyage. L’air du wagon était lourd, étouffant et pollué. La fraîcheur de la nuit avait diminué la soif sans l’apaiser. Résignés, nous attendions ce qui allait se passer. Tout à coup, dans le silence, des pas et des bruits de conversation se firent entendre. Les pas se rapprochent des wagons. Nous sentons la présence d’étrangers. Tout cela ne dure qu’un instant. Avant que nous ayons pu nous rendre compte, le wagon est ouvert avec fracas. Les S.S. apparaissent : c’est en rugissant et nous insultant qu’ils nous donnent l’ordre de quitter le wagon. Nous n’avons ni le temps ni la possibilité de retrouver et d’emporter nos affaires, ce sont des cris, des rugissements, des insultes, des menaces, des vociférations assourdissantes.
    — Chacun se lève, saisit ce qu’il a sous la main et à moitié habillé, abandonnant une partie de ses vêtements et de ses bagages, c’est-à-dire valises, vestons, couvertures, linge, chacun saute sur le quai. Mais au même moment, avant d’avoir posé le pied sur terre, il reçoit des coups de poing, de bâton, de crosse ou de botte. Beaucoup tombent, obstruant le chemin ; les suivants, rencontrant un obstacle, tombent à leur tour et c’est un tas de corps humains qui se débattent. Des cris de déments, des insultes et des coups répartis savamment ne cessent de pleuvoir… Ceux qui ne sont pas tombés ou qui ont réussi à se relever rapidement sont chassés vers un chemin où ils doivent courir pour se mettre en rangs par dix. On voyait des hommes sans veston, sans casquette, sans souliers, sans pantalon même. Tous fatigués, haletants, plusieurs couverts de bleus, souvent ensanglantés.
    — Des S.S. (10) étaient postés sur le quai de la gare et tout le long du chemin menant au camp ; il y en avait aussi dans les fossés, accroupis, la main sur la gâchette de leurs fusils. Ils étaient en outre armés de matraques et accompagnés de chiens policiers. Roués de coups, les prisonniers étaient chassés vers la place d’appel, ou, sans cesse battus, ils devaient défiler devant un S.S. monté sur une table. De l’autre côté de la place, les nouveaux prisonniers étaient rangés par dix. Les Kapos leur retiraient tout ce qu’ils avaient de précieux : ils enlevaient aux prisonniers leurs bagues, leurs alliances, ils leur arrachaient chaînettes et médailles tout en les battant. Beaucoup perdirent connaissance.
    — Dans la cour, entre les blocks 15 et 16, les prisonniers devaient se déshabiller et rendre leurs vêtements. Ensuite on leur coupait les cheveux et on leur donnait leur numéro d’enregistrement. Puis, toujours sous les coups, le groupe tout entier passait aux bains. De bain, il n’en était pas question, c’est à peine si l’on pouvait s’asperger avec un peu d’eau froide. C’est dans le même bâtiment qu’avait lieu le prétendu « examen médical » ; le

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