Les mannequins nus
mon bulletin. Mais dans la soirée, mon confesseur, qui était un bon ami de la famille, vint nous rendre visite et, le lendemain matin, je fus sévèrement grondé et puni par mon père qui m’accusait de ne pas lui avoir raconté mon méfait sur-le-champ. J’étais bouleversé par l’incroyable abus de confiance de mon confesseur. Ne nous avait-on pas toujours enseigné que le secret de la confession était inviolable et s’étendait même aux plus grands crimes ?… L’indélicatesse du prêtre était flagrante et me paraissait monstrueuse. Ma confiance en la sainteté du clergé était ébranlée ; les premiers doutes surgissaient en mon âme.
La patrie est en danger. Hoess se précipite dans les rangs de la Croix-Rouge. Les larmes aux yeux, il transporte les blessés qui viennent du front, panse, réconforte, offre bonbons et cigarettes, s’embarque enfin (à quinze ans on trouve toujours un capitaine instructeur compréhensif qui ferme les yeux sur votre date de naissance) avec les valeureux combattants du front turc. Baptême du feu. Perdu dans le désert (« Ah Lawrence ! ») Jérusalem (« Chassons les Marchands du Temple ») et sur le chemin de Damas, la tragique révélation : « l’Armistice ». Naissance du héros :
— J’étais (6) fermement décidé à ne pas me laisser interner et à me frayer un chemin vers ma patrie par mes propres moyens. Mes chefs me le déconseillaient, mais tous les hommes du détachement que je conduisais depuis le printemps 1918 se déclarèrent prêts à me suivre. Ils avaient tous plus de trente ans et moi seulement dix-huit.
— C’est ainsi que nous entreprîmes une chevauchée aventureuse à travers l’Anatolie et ensuite (après avoir traversé la mer Noire sur un misérable bateau à voile) à travers la Bulgarie, la Roumanie, les Alpes enneigées de la Transylvanie, la Hongrie et l’Autriche. Nous étions sans cartes et nos notions géographiques ne dépassaient pas celles que nous avions reçues à l’école. Il nous fallait réquisitionner la nourriture pour nous-mêmes et pour nos chevaux ; en Roumanie, qui était passée dans le camp adverse, nous nous trouvions obligés de livrer de durs combats.
— Au bout d’une randonnée de trois mois, nous rentrâmes en Allemagne pour nous présenter aussitôt à notre unité de réserve, où personne n’attendait plus notre retour. D’après mes renseignements, nous étions la seule formation complète qui avait réussi à rentrer de ce théâtre d’opérations.
Démobilisé, Hoess s’engage aussitôt dans un bataillon de « corps franc » chargé de poursuivre les « Rouges » dans la Baltique après la révolution russe. Véritable mercenaire à la solde d’un gouvernement qui renie à chaque enquête ses redresseurs de torts.
— Chaque (7) engagement se transformait en massacre poursuivi jusqu’au complet anéantissement. Les Lettons se distinguaient particulièrement sous ce rapport. Pour la première fois, j’étais témoin des horreurs exercées sur la population civile. Les Lettons se vengeaient cruellement de leurs propres compatriotes qui avaient abrité ou ravitaillé des soldats allemands ou russes blancs. Ils incendiaient les maisons et brûlaient vifs leurs habitants. Combien de fois n’ai-je vu le spectacle affreux de ces chaumières brûlées et des corps de femmes et d’enfants carbonisés ? J’étais moi-même comme pétrifié par ce tableau effroyable lorsque je le vis pour la première fois. Il me semblait alors que la folie destructrice des hommes avait atteint son paroxysme et qu’on ne pouvait aller au-delà.
En 1923, Hoess et ses amis condamnent à mort et exécutent un « espion communiste » . Le quotidien du parti Social-Démocrate s’empare de l’affaire. Hoess est arrêté et condamné à dix ans de prison. Il purgera six mois de peine.
Misanthrope à sa libération, il « rompt en visière à tout le genre humain » et découvre les joies saines de la vie champêtre dans les rangs d’une secte naturaliste, les « Artamanes » qui renoncent à l’alcool, au tabac pour pousser plus allègrement la charrue. L’atrabilaire guéri tombe amoureux et épouse une solide « artamane » qui lui donnera, en cinq ans, trois enfants :
— Gages (8) du lendemain, gages d’un avenir meilleur…
— Mais le destin en disposa autrement. L’invitation d’entrer dans les détachements actifs des S.S., que me fit parvenir Himmler en
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