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Les masques de Saint-Marc

Les masques de Saint-Marc

Titel: Les masques de Saint-Marc Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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puis-je vous aider, commissaire ?
    Un bref aboiement sembla indiquer que le chien aussi désirait l’aider.
    — Je suis venu vous rendre quelque chose, reprit Tron en s’efforçant cette fois de regarder le maître et non l’animal.
    Il sortit la reconnaissance de dette de son portefeuille et la tendit sans un mot par-dessus la table. Königsegg blêmit.
    — Où l’avez-vous trouvée ?
    — Dans l’appartement de Zorzi, où mon inspecteur a également découvert le collier.
    — Je n’ai pas d’argent, commissaire, murmura l’intendant en chef en secouant la tête.
    Le chiot sous la table poussa un gémissement plaintif.
    — Je ne veux pas d’argent, déclara Tron.
    — Qu’est-ce que vous voulez que je fasse de ce papier alors ? demanda Königsegg qui n’avait toujours pas compris.
    Son vis-à-vis sourit.
    — Le brûler ou, si vous préférez, le garder en souvenir. Il est à vous.
    Puis il le fixa du regard.
    — Qu’est-ce que Bossi vous a raconté en vous rendant le collier ?
    — Que Zorzi était au courant des combines de ce Ziani et qu’il a cherché à s’approprier une part du gâteau. Alors, le ton a monté et il l’a tué.
    — C’est la version officielle. En réalité, les choses ne se sont pas passées ainsi.
    Le commissaire scruta la salle du Quadri et s’assura que personne ne les épiait. Les clients, assis ou debout, s’entretenaient bruyamment. La vaisselle cliquetait. Des rires fusaient comme des feux de peloton. Dans ce vacarme infernal, il était impossible qu’on les entende. Tron se pencha en avant, ne serait-ce que pour échapper à la vue du chiot qui avait cessé de suivre leur conversation et, à la place, s’était attaqué au pied de table avec sa puissante mâchoire.
    — Écoutez ! chuchota-t-il.
    Quand il eut terminé son récit, Königsegg secoua la tête d’un air horrifié.
    — Mais en dehors de Crenneville, qui pourrait encore prendre part à cette conjuration ?
    — Je ne saurais vous le dire.
    L’intendant en chef de Sa Majesté but à toute vitesse une gorgée de café.
    — En outre, je ne saisis pas le sens de leur projet. Que va-t-il se passer si François-Joseph meurt ? C’est Maximilien qui assurera la régence, un libéral déclaré ! Ils veulent le tuer, lui aussi ? Cette histoire est absurde.
    — Vous avez raison, mon général. Mais cela ne résout pas le problème.
    — Si vous comptez me prier d’en parler à l’empereur, lâcha Königsegg, je crains que cela ne serve pas à grand-chose. Sa Majesté ne me croira jamais.
    Le commissaire abonda dans son sens.
    — Je sais. Je ne vois qu’un moyen d’empêcher l’attentat.
    — Lequel ?
    — Arrêter le tueur à temps.
    — Mais vous ne le connaissez pas ! rétorqua le général de division. Comment voulez-vous le mettre sous les verrous ? Votre seule certitude, c’est qu’il appartient à l’armée. Vous ne savez même pas son grade ni le corps dans lequel il sert.
    Tron lui donna raison.
    — En revanche, je sais où et quand il va frapper. Et je sais quelle arme il va utiliser.
    — Cela ne vous sera pas d’un grand secours, poursuivit Königsegg. Si la garde civile était chargée de la sécurité de Sa Majesté, vous pourriez poster des tireurs d’élite sur le toit du palais royal et ils abattraient cet homme dès qu’il sortirait la tête de sa lucarne.
    — Je peux quand même faire quelque chose.
    — Quoi ?
    — Comme je vous le disais, je peux arrêter le tueur avant qu’il tire.
    Le commissaire regarda l’intendant en chef droit dans les yeux.
    — Pour cela, il faut que je pénètre sous les combles avant lui et que je l’y attende.
    — Comment comptez-vous entrer dans le palais royal ?
    — Avec un uniforme et un laissez-passer.
    Königsegg l’observa en silence d’un air gêné. Puis il finit par dire : — Je ne peux pas, commissaire. Il n’y a que deux personnes qui puissent signer des laissez-passer : le comte Grünne et le comte Crenneville. Sinon, il faut la signature de l’empereur ou de l’impératrice.
    Tron releva les sourcils.
    — Vous avez bien dit : de l’impératrice ?
    Königsegg hocha la tête en soupirant. Un grognement triste s’éleva de dessous la table.
    — Oui, c’est ce que j’ai dit. Où puis-je vous joindre, commissaire ?
    — Au palais Balbi-Valier, comme d’habitude.
    1 - Gâteau au chocolat viennois. ( N.d.T. )

49
    La détonation, un léger paf, retentit dix secondes après la fin des coups de cloche, alors qu’un silence

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