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Les masques de Saint-Marc

Les masques de Saint-Marc

Titel: Les masques de Saint-Marc Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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régime que les archiducs. Pour se marier, ils doivent obtenir l’aval de la Hofburg ou bien démissionner, ce qui ne semble pas être dans les intentions de Spaur.
    Le jeune homme secoua la tête avec indignation.
    — Mais c’est une pratique moyenâgeuse ! Quelle sera la décision de l’empereur à votre avis ?
    — La rumeur prétend que le frère de Mlle Violetta secondait Garibaldi en Sicile, répondit le commissaire. Si les archives du gouvernement confirment cet on-dit, leur mariage me paraît compromis.
    — Et vous pensez que c’est une raison suffisante pour ne pas céder l’affaire ?
    — Si Spaur lui sauve la vie, conclut Tron, François-Joseph ne pourra plus lui refuser l’autorisation d’épouser Mlle Violetta.

32
    Onze heures venaient de sonner quand Boldù traversa le campo San Vidal et gravit les marches du pont de l’Académie à pas lents. Il était en retard, mais s’en moquait : le colonel Hölzl n’avait qu’à attendre. Il s’arrêta sur le pont. Une odeur de terre émanait des jardins du palais Franchetti. Le ciel sans nuages ressemblait à une pièce de velours noir parsemé d’étoiles. Une gondole s’approcha, disparut sous le pont et resurgit de l’autre côté. Dans la lumière de la lune, la veste blanche du gondolier tranchait sur l’eau couleur d’ardoise.
    Boldù posa le coude sur le parapet en fonte, fit un tube avec ses doigts et regarda à travers comme s’il s’agissait d’une lunette de visée. Quand la gondole se trouva à une centaine de mètres, il plia sans le vouloir l’index droit. C’était à peu près la distance entre le toit du palais royal et la tribune où l’empereur se tiendrait le jeudi suivant. Avec le fusil qu’il lui réservait, ce serait un jeu d’enfant.
    Il n’en revenait pas que, jusqu’à présent, tout se soit déroulé sans accroc. L’opération dans le train, son jeu de piste avec la police et même l’élimination impromptue de Ziani, tout lui avait réussi avec une déroutante facilité. La mort de Ziani avait bien entendu fait l’effet d’une bombe. Ou plutôt (car il était maintenant passé maître dans l’art de la pyrotechnie) l’effet d’un canon à paroi résistante, rempli de bombes pleines de poudre noire.
    Ils étaient en train de préparer des mortiers pour le bouquet final quand Zorzi avait surgi sur le Patna , pâle comme un linge, et leur avait annoncé la mort de leur camarade. De toute évidence, personne ne le soupçonnait. Ils semblaient croire le meurtre lié à une affaire conclue peu de temps auparavant. Boldù ignorait de quoi il s’agissait. Cependant, il supposait qu’il devait y avoir un rapport avec le collier en or retrouvé dans l’appartement et que les deux autres compères étaient eux aussi mêlés à cette histoire.
    Il fabriquait en leur compagnie des fusées ordinaires, des comètes, des marrons d’air et des pots à feu depuis presque une semaine. Cependant, leur conversation s’était pour ainsi dire réduite aux chandelles, aux mèches et aux serpenteaux ; ils avaient à peine abordé la politique. Bien sûr, ils n’aimaient pas l’empereur, ils ne pouvaient pas s’en cacher. Mais pouvait-on pour autant parler de… conspirateurs ? Même en admettant qu’il s’agît d’une conspiration d’un genre particulier ? Non. Ils lui faisaient plutôt l’effet de jeunes aventuriers intrépides. La sombre affaire dans laquelle Ziani et eux étaient impliqués renforçait encore cette impression. De ce fait, Boldù avait décidé de les laisser s’enfuir si jamais il parvenait, d’une manière ou d’une autre, à déjouer leur plan.
    Et Zorzi, qui avait désormais pris la direction des opérations ? Boldù ne savait toujours pas que penser de lui. Il était noble, cela ne faisait aucun doute. Grand, maigre, peut-être un ancien officier. Seulement, dans quelle armée pouvait-il bien avoir servi ? Chez les Autrichiens ? Peu probable. Chez les Piémontais ? Un léger accent ne se mêlait-il pas à son vénitien ? En principe, pensa Boldù, Zorzi aurait dû lui être sympathique ; pourtant, c’était tout le contraire. Du reste, il avait le sentiment que cette antipathie était réciproque.
    Il avait beaucoup réfléchi aux raisons qui avaient pu pousser ces quatre individus à s’associer dans une telle entreprise. Naturellement, il ne pouvait pas le leur demander, parler politique était exclu. Et si Turin se cachait derrière tout cela ? Victor-Emmanuel II n’avait aucun

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