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Les masques de Saint-Marc

Les masques de Saint-Marc

Titel: Les masques de Saint-Marc Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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son fils, ayant hérité de la léthargie de son père, avait beaucoup de mal à supporter. La plupart du temps, il se réfugiait désormais dans sa chambre, située à l’étage intermédiaire, pour travailler à l’ Emporio della Poesia , ce qu’il avait bien l’intention de faire ce jour-là aussi dès la fin du petit déjeuner.
    Néanmoins, il fallait d’abord l’achever, ce petit déjeuner. Et au train où les choses étaient parties, cela promettait d’être assez compliqué. Le pain dans lequel il mordit après avoir ôté la mouche de la confiture était vieux. Si vieux qu’il ne parvint même pas à y enfoncer les dents. Il le retourna et l’attaqua par l’autre bout, sans plus de résultat. Découragé, il le reposa dans son assiette et nota que sa mère l’observait, les sourcils froncés.
    — Se peut-il que ces petits pains soient… ?
    Non, surtout pas d’autre discussion sur le petit déjeuner ! Il se tut, réprima un soupir et trempa bravement son pain dans sa tasse de café. Le front de la comtesse se plissa encore plus ; il exprimait à présent une énergie qui ne laissait rien présager de bon.
    — Qu’est-ce qu’ils ont, ces petits pains, Alvise ?
    — Eh bien, ils sont peut-être un peu…
    Tron réfléchit. Quel était le mot juste * ? Quel adjectif Dante ou Manzoni auraient-ils employé ? Secs ? Fermes ? Durs comme la pierre ? Non, c’était des mots méchants, ils ne feraient qu’engendrer une nouvelle dispute. Il dit d’un ton hésitant :
    — Un peu croustillants ?
    — Ils ont deux jours, répliqua-t-elle avec froideur. Hier matin, tu ne les as pas terminés et les as laissés dans ton assiette. Alessandro a dû les redescendre.
    À son air, on aurait pu croire qu’elle avait cuit le pain de ses propres mains, l’avait monté à la sueur de son front, servi pour rien et rapporté elle-même à la cuisine.
    — Mais vu la température en ce moment, poursuivit-elle, ils se conservent sans problème quelques jours.
    Tron commit l’imprudence de lâcher sans réfléchir :
    — Je croyais que tu les achetais quand ils avaient déjà quelques jours ?
    Ciel, il aurait mieux fait de se taire ! Sans le vouloir, il courba l’échine. Cependant, au lieu d’envoyer une réplique cinglante de l’autre côté de la table, la comtesse hocha la tête avec véhémence.
    — Tu as parfaitement raison ! Quand je les achète l’après-midi, ils ne coûtent plus que la moitié. En six heures, je réalise donc un bénéfice de cent pour cent. Si tu ramènes cela à l’année, cela signifie que je ne peux tout simplement pas me permettre des petits pains frais.
    Tron avait du mal à la suivre. En outre, il s’étonnait qu’elle le tînt pour capable de ramener à l’année un pourcentage.
    — Je croyais les ventes excellentes. Maria m’a dit que votre verre pressé marchait à merveille.
    — Ne dis pas toujours votre verre pressé comme si tu n’avais rien à voir dans cette affaire, Alvise !
    Il sourit d’un air conciliant.
    — Bon, d’accord. Elle a dit que notre verre pressé marchait à merveille.
    — Elle n’a pas tort. Néanmoins, cela n’empêche pas que nous devions investir . Ou bien nous bradons notre argent, comme ton père l’a toujours fait, ou bien nous l’investissons dans l’entreprise.
    Elle dévisagea son fils comme s’il ignorait le sens de son mot favori. Puis elle se servit un nouveau petit pain d’un geste démonstratif et le trempa dans son café au lait clairet.
    — La princesse m’a rapporté que l’impératrice devait bientôt t’accorder un entretien.
    — Pardon ?
    — Que l’impératrice devait t’accorder un entretien. Et que tu allais régler cette affaire de taxes douanières. Il faut dire que vous êtes en très bons termes.
    Sans doute, pensa-t-il, sa mère allait-elle maintenant ajouter, avec des trémolos dans la voix, que Sissi était déjà venue au palais. Et qu’il avait dansé avec elle dans la salle de bal.
    — Je te rappelle qu’elle est déjà venue chez nous, dit-elle avec des trémolos dans la voix. Et que tu as dansé avec elle ! Au cas où tu l’aurais oublié…
    « Eh bien, qu’est-ce que je disais ? » Il hocha la tête.
    — Comment aurais-je pu l’oublier ?
    — Comme vous entretenez des relations pour ainsi dire familières, tu devrais pouvoir sans peine lui exposer les faits.
    Tron ignorait qu’il entretenait des relations familières avec l’impératrice d’Autriche, mais l’expression lui parut

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