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Les masques de Saint-Marc

Les masques de Saint-Marc

Titel: Les masques de Saint-Marc Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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sûr le suivre à la trace.
    — Que se passera-t-il si la police traîne ? Nous n’avons plus beaucoup de temps. Il faut que les conspirateurs soient sous les verrous mardi matin au plus tard.
    Boldù se tut un instant.
    — Si Tron ne progresse pas, je lui enverrai une lettre anonyme. De toute façon, il ne l’évoquera jamais dans son rapport.
    — Vous croyez qu’il passera un tel indice sous silence pour qu’on attribue le succès de l’enquête à son flair ?
    — Bien entendu ! Je préférerais toutefois ne pas être obligé de recourir à de tels stratagèmes.
    — Vous êtes sûr que Tron ne confiera pas l’affaire à la Kommandantur ?
    Boldù hocha la tête.
    — Sûr et certain.
    — Comment pouvez-vous en être aussi sûr ? insista Hölzl en le dévisageant d’un regard sceptique.
    C’était une bonne question, reconnut Boldù. Dans les jours précédents, il s’était efforcé de cerner la personnalité du commissaire. Il en était ainsi arrivé à la conclusion qu’il ne vivait que pour son travail et se ferait une joie de ridiculiser les autorités militaires.
    — Ce Tron est dévoré par l’ambition, décréta-t-il. Je suis persuadé qu’il travaille sur cette enquête du matin au soir.

33
    La mouche posée sur son petit pain avait ses plus beaux jours derrière elle. Elle collait à une moitié de cerise au point qu’on aurait pu la confondre avec un morceau de fruit. D’ordinaire, Tron aurait mordu et avalé l’insecte sans même s’en rendre compte. Mais là, comme il avait mis son binocle, il le voyait avec une extrême précision. Même si les ailes et les jambes manquaient, le tronc ne permettait aucun doute.
    Le commissaire ferma les yeux, le temps de réfléchir. Devait-il gratter la confiture et entamer une discussion sur la qualité des produits ? Une discussion dont il ne se sentait point capable de si bonne heure. Ou devait-il garder les paupières closes, mordre dans son petit pain de manière stoïque et se rincer aussitôt la bouche avec une grande gorgée de café ? Au fait, quelle était l’humeur de sa mère en ce dimanche matin grisâtre ? Quand Alessandro leur avait apporté le petit déjeuner, elle s’était montrée froide et distante. Une telle attitude laissait présager qu’elle avait mal dormi et qu’il valait mieux…
    — Que se passe-t-il, Alvise ?
    La comtesse avait reposé la tasse qu’elle s’apprêtait à porter à sa bouche et fixait son fils avec suspicion.
    — Un problème avec la confiture ?
    Tron toussota.
    — On dirait qu’une mouche est tombée dedans.
    Sa mère le regarda sans comprendre.
    — Eh bien, prends ta cuillère et retire-la, grand Dieu ! Je suppose qu’elle est morte, cette mouche, non ? Ou faut-il que je sonne ?
    La question était bien sûr purement rhétorique. Le commissaire secoua la tête.
    — Non, non, ce n’est pas la peine.
    Sonner aurait en effet présenté quelque difficulté puisque le cordon installé entre la cuisine et la salle à manger au cours de récents travaux de rénovation n’avait jamais fonctionné. On tirait, on attendait et il ne se passait rien. Le cordon devait coincer quelque part. Évidemment, la comtesse avait refusé de régler la facture.
    Du reste, il n’échappait à personne que cette remise à neuf avait tourné court – à la plus grande joie de Tron qui aimait le palais en l’état, avec ses marches usées, son crépi écaillé, ses miroirs ternis dans la salle de bal et ses sols en terrazzo endommagés. Comme des divergences d’opinion majeures avaient surgi dès le deuxième jour entre la comtesse et les artisans à propos du montant des travaux, ceux-ci avaient été remis à plus tard. Depuis, trois échelles et deux seaux attendaient la suite des événements dans un tournant de la cage d’escalier où Alessandro les avait déposés au pied d’une vieille lanterne de coursive. Avec le temps, on finirait par s’y habituer, jusqu’au moment où on ne les verrait plus. Et comme la comtesse préférait investir son argent plutôt que le dépenser, son fils conservait l’espoir que peu de choses changeraient au palais.
    Cela étant, les travaux de rénovation chez les Tron n’avaient pas échoué à tous égards. Les activités commerciales avaient produit sur la comtesse l’effet d’une cure de jouvence. Ses cheveux gris étaient maintenant frisés avec soin, son lorgnon démodé avait cédé la place à un élégant pince-nez et elle répandait une fébrilité que

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