Les Médecins Maudits
leur tenir le bras et une goutte de liquide fut déposée environ dix centimètres au-dessus de leur avant-bras. Les gens qui avaient été traités de cette façon furent dirigés dans une autre pièce où ils durent rester une heure debout avec leur bras étendu. Environ dix heures après des brûlures commencèrent à apparaître et s’étendirent au corps entier. Quelques-uns devinrent même partiellement aveugles. Ils souffrirent terriblement, d’une façon difficilement supportable. Il était presque impossible de rester près d’eux… C’est au terme du cinquième ou sixième jour que la première mort survint. Le jour suivant sept moururent.
Un ancien détenu de Natzweiler, Hendrick Nales, a confirmé le témoignage de Ferdinand Holl.
— Je n’ai vu que trois morts… Dès le début de l’expérience la plupart perdirent connaissance. Vingt-quatre heures après, ils étaient couverts de plaies. Leurs bras étaient rongés ainsi que les parties de leur corps touchées par leur bras. Ils furent plusieurs jours sans connaissance et devinrent aveugles.
Le second volet de l’expérimentation se déroula dans la chambre à gaz :
— Hirt donnait à chaque sujet une petite ampoule. Il devait l’emporter dans la chambre à gaz qui se trouvait à cinq cents mètres du camp environ. Deux personnes entraient dans la chambre en même temps. Bien entendu les portes étaient verrouillées. Un des prisonniers devait écraser les ampoules et ainsi inhaler le gaz qui s’échappait. Ils perdaient connaissance, revenaient à eux et retournaient à l’Ahnenerbe… J’ai vu les poumons de ces gens qui avaient été disséqués. Ils étaient de la dimension d’une demi-pomme, complètement mangés et pleins de pus. En une année, cent cinquante déportés approximativement furent traités de cette façon… Avec le gaz liquide Hirt expérimenta sur cent vingt personnes.
Combien de morts ? Holl ne peut fournir que des estimations.
— Entre trente et quarante pour cent.
Les expérimentations sur un autre gaz, le phosgène lxviii avaient été confiées à un professeur d’université : Otto Bickenbach. Il avait étudié les effets du gaz sur des chats et des chiens et découvert qu’un médicament : l’urotropine protégeait efficacement contre les effets asphyxiants du phosgène.
— Courant lxix 1943, Hirt me fit savoir qu’Himmler m’avait donné l’ordre de procéder à l’expérimentation de l’urotropine sur des hommes. J’ai objecté que l’efficacité du moyen de protection que j’avais trouvé était scientifiquement et expérimentalement établie. Je tenais à expérimenter préalablement sur moi-même. Hirt en référa à Himmler qui me le fit défendre, tout en me donnant l’injonction de procéder aux expérimentations demandées sur du matériel humain.
Il me fut assuré à cette occasion que les individus qui devaient servir de cobayes avaient été condamnés à mort par une décision régulière de justice. Je me trouvais devant un cas de conscience tragique, car Hirt m’avait déclaré que Himmler m’avait donné cet ordre en ma qualité d’officier, que je ne pouvais m’y soustraire, alors que ma conscience de médecin m’interdisait de procéder à de telles expérimentations. Je me suis donc rendu à Berlin, afin de consulter le professeur Brandt, médecin personnel du Führer et délégué général de celui-ci pour les questions de santé et d’hygiène. Je lui exposai mes hésitations, lui demandant d’intervenir auprès de Himmler. Je lui déclarai également que, scientifiquement, les expérimentations humaines n’étaient pas nécessaires puisque les essais sur des animaux avaient prouvé l’efficacité du produit…
… À ce moment, la situation militaire était mauvaise pour le Reich. Les Alliés avaient débarqué en Afrique et l’Abwehr avait eu connaissance, ainsi que j’en avais été informé par mes chefs, de cinquante mille tonnes de phosgène entreposées en Afrique. La guerre des gaz semblait inévitable. Le commandement suprême de la Wehrmacht était convaincu que les Alliés seraient obligés de recourir aux gaz pour venir à bout de la « forteresse Europe ».
C’est dans ces conditions que j’ai finalement procédé en 1943-1944, aux expérimentations qui me sont reprochées. J’ajoute que malgré la défense de Himmler, j’avais au préalable, à la chambre à gaz du Fort Ney, opéré sur moi-même. J’ai procédé à
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