Les Médecins Maudits
cependant un pays n’inventa autant d’« astuces » que l’Allemagne d’Hitler. Mais me direz-vous, le Führer ne croyait pas à la nécessité de posséder une telle arme. Bien sûr, mais Himmler « sage parmi les sages », prévoyant ombrageux, accepta de réunir les pions de cette force de dissuasion avant la lettre, à la demande de certains médecins. Il réclama même des expériences humaines sur la peste. Aucun tribunal militaire n’a pu apporter la preuve de la réalisation de ces expériences, mais un fait est à souligner : le médecin général Schreiber, professeur à la Faculté de médecine de Berlin, chargé de la direction scientifique du Service de Santé de l’Armée voulut soulever le problème de cette guerre à Nuremberg.
— Au cours de la guerre il s’est produit, du côté allemand, des faits contraires aux lois immuables de l’éthique médicale. J’estime que, dans l’intérêt du peuple allemand, de la science médicale allemande et de la formation des jeunes génération médicales, il est nécessaire de tirer cela au clair. Il s’agit de la préparation de la guerre biologique, qui a provoqué des épidémies et des expériences sur des êtres humains. J’ai attendu de savoir si ce tribunal ne soulèverait pas de lui-même la question. Quand j’ai vu que cela ne se produisait pas, je me suis décidé à faire cette déclaration.
Il faut reconnaître qu’après la lecture de ces lignes on peut difficilement condamner l’ensemble du corps médical allemand. L’attitude des « autres » n’en est d’ailleurs que plus incompréhensible. Schreiber poursuit :
— En mars 1945, je reçus la visite du professeur Blome lxxiv dans mon bureau de l’Académie de Médecine militaire. Il venait de Posen et était très agité… Il avait été chassé de son Institut par l’avance des troupes soviétiques. Il avait essayé de détruire ses laboratoires avec une bombe de Stuka, mais la charge n’avait pas explosé. Il s’inquiétait fort d’avoir laissé subsister des installations destinées à des expériences sur des êtres humains.
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Le professeur Kliewe, directeur du centre de la guerre biologique à l’Inspection générale du Service de Santé de la Wehrmacht, se battit pendant toute la durée de la guerre pour faire accepter à son Führer l’idée de la guerre bactérienne. Il ne manquait pas d’arguments ; dans un premier rapport il citait même un article de la revue britannique Dix-neuvième siècle qui dans son numéro de juillet 1934 reproduisait des documents affirmant que le 18 août 1933 à 14 h 47, des agents allemands avaient étudié la dissémination du Bacillus Prodigiosus, place de la Concorde et place de la République, l’aspiration d’air aux bouches de métro et la ventilation dans les couloirs et les tunnels. Décidément Paris était au cœur du problème !
Kliewe en bon avocat, citait des précédents :
— En 1916, l’ambassade d’Allemagne à Bucarest déménagea et abandonna ses bureaux aux services consulaires des États-Unis. Le premier secrétaire de l’ambassade assista à la fouille des jardins où l’on découvrit dans une boîte enterrée cinq tubes de cultures pathogènes pour le bétail.
— L’année précédente, une épidémie de choléra décima deux régiments russes en Galicie. Des puits avaient été empoisonnés.
— L’Armée allemande en retraite (1917) abandonna des cultures microbiennes que devaient découvrir les français.
— Près de la moitié des chevaux de l’Armée d’Orient furent contaminés par la morve et abattus, etc. de nombreux agents furent arrêtés. L’Armistice mit fin à ces pratiques. L’arme bactérienne n’est considérée par personne comme une « hypothèse ».
L’homme qui en 14‑18, voulait à tout prix imposer cette forme de guerre, récidiva en 1941. Il inonda les maîtres du Reich de lettres, de rapports, de conclusions. Il était médecin colonel et s’appelait Winter :
— En avril 1916, alors que j’étais médecin au quartier général du 21 e corps d’armée, je soumis au ministère de la Guerre un mémorandum sur la guerre bactérienne et suggérai une attaque sur Londres et les ports anglais avec l’arme la plus efficace et la plus terrifiante : le bacille de la peste… Je me rendis auprès de l’adjoint du directeur du Service de Santé de l’Armée. Après avoir écouté en silence, il me congédia en disant que si
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