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Les murailles de feu

Les murailles de feu

Titel: Les murailles de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Pressfield
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légende, mais en tant qu’élément d’une unité et aux côtés de ses compagnons d’armes ; il se battra avec discipline dans le désordre, avec des compagnons inconnus, des gens avec lesquels il ne s’est jamais entraîné. Dans ces moments-là, le guerrier se sent comme soutenu par la main d’un dieu. Et la phalange forme alors une unité si dense qu’elle ne fonctionne plus simplement comme une machine de guerre, mais bien mieux, comme un organisme unique qui n’aurait qu’un seul cœur.
    Il pleuvait des flèches. De là où j’étais, juste derrière les derniers rangs, je voyais les jambes des guerriers essayer de trouver un point d’appui sur un sol gluant de sang et d’entrailles, puis s’harmoniser dans une même cadence obstinée et irrésistible. Les modulations des flûtes perçaient le vacarme du bronze et des cris, imprimant un rythme qui était à la fois celui de la musique et celui du cœur. Dans la même poussée, les pieds avançaient vers l’ennemi, le droit tout droit sous le bouclier, le gauche, du côté de la lance, ancré à angle droit dans la boue. Le pied s’enfonçait sous le poids du corps, tandis que l’épaule gauche se lovait dans le creux du bouclier qui poussait le dos du compagnon devant. Muscles et tendons conjuguaient leurs forces pour soutenir la poussée. Tels des rameurs en rang qui peinent à tirer une seule rame, la poussée unifiée des hommes propulsait la phalange dans l’océan ennemi.
    Au premier rang, les lances spartiates, piquant par-dessus les boucliers, hachaient l’ennemi. Les chocs des boucliers les uns contre les autres avaient changé de sonorité ; ils restaient métalliques, mais étaient devenus plus profonds, plus terrifiants, comme le broiement d’une gigantesque meule. Spartiates et Mèdes ne criaient plus comme avant, dans un chœur fou de rage et de terreur ; les poumons ne servaient plus qu’à aspirer l’air, pareils à des soufflets de forge. La sueur coulait en rigoles jusqu’aux pieds et les râles exhalés ressemblaient à ceux d’une cordée de terrassiers ahanant pour tirer un énorme rocher.
    La guerre est un travail, avait toujours proclamé Dienekès, pour la dépouiller de son mystère. En dépit de leur courage, de leur nombre et sans doute de leur maîtrise du type de guerre en plaine grâce auquel ils avaient conquis l’Asie, les Mèdes ne connaissaient pas le combat d’infanterie lourde de la pratique hellénique. Ils n’avaient pas appris à maintenir leurs rangs dans l’assaut, ni à se rassembler pour avancer à l’unisson ; ils ne s’étaient pas entraînés, comme les Spartiates, à respecter les attitudes, les intervalles, les parades et les retraits. Dans le carnage général, les Mèdes se transformèrent en une meute désordonnée. Ils se heurtaient aux Lacédémoniens comme des brebis fuyant l’incendie de leur enclos, sans rythme ni cohésion, animés par leur seul courage ; et, pour autant qu’ils en eussent, ils ne parvenaient pas à dominer l’assaut rigoureusement organisé qui les cernait.
    Les malheureux Mèdes des premiers rangs n’avaient aucune échappatoire. Ils étaient coincés entre la masse de leurs propres camarades qui les pressaient de l’arrière et les lances spartiates qui les transperçaient de l’avant. Des hommes mouraient simplement faute de pouvoir respirer. Leurs cœurs s’arrêtaient à bout de forces. J’aperçus Alphée et Maron ; s’épaulant comme une paire de bœufs sous le même joug, les deux frères constituaient la tête de lance en fer trempé de douze rangs d’hommes qui pénétraient dans les rangs mèdes, à une centaine de pieds de la paroi de la montagne.
    À la droite des deux frères, Léonidas et les siens, à l’avant, s’enfonçaient dans cette brèche ; de la sorte, ils prenaient le front ennemi de flanc et, la droite mède n’étant pas protégée, ils l’équarrissaient furieusement. Seuls les dieux pouvaient venir au secours des Fils de l’Empire qui affrontaient Polynice et Doréion, Terclée et Patrocle, Nicolas et les deux Agise, tous athlètes émérites, dans la fleur de leur jeunesse et passionnément avides de cette gloire qui se présentait à leur portée.
    Quant à moi, je confesse que j’étais submergé par l’horreur. Bien que j’eusse emporté deux carquois pleins, vingt-quatre flèches, la bataille était devenue si furieuse que je me trouvai bientôt démuni. Je tirai entre les casques, à bout portant,

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