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Les murailles de feu

Les murailles de feu

Titel: Les murailles de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Pressfield
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dans les visages et les gorges ennemies. Ce n’était plus du tir à l’arc, mais de la boucherie. J’arrachais les flèches des entrailles d’hommes encore en vie. Le bois des flèches me glissait entre les doigts, tant il était couvert de débris d’entrailles et les pointes dégouttaient de sang avant même que j’eusse tiré. N’en pouvant plus d’horreur, je fermais les yeux et il me fallait les ouvrir avec les doigts pour me forcer à viser. Étais-je devenu fou ?
    Je cherchais désespérément Dienekès, afin d’assumer mon rôle de protection, mais, vu le peu de jugement qui me restait, j’étais contraint de rester et de me battre là où j’étais.
    Au centre de la phalange, chacun sentait changer le flux de la marée quand le sentiment d’urgence déferlait et qu’il était remplacé par le sentiment rassurant que la peur s’écoulait, que la maîtrise de soi revenait et qu’il accomplissait la manœuvre correcte pour son travail meurtrier. Qui peut dire par quelles résonances l’intuition de l’évolution profonde d’un combat parcourt les rangs des guerriers ? L’on sentit en tout cas que la gauche Spartiate, le long de la montagne, avait enfoncé les Mèdes. Un cri monta des gosiers lacédémoniens, se multiplia et se répercuta, littéralement comme le front d’un orage. L’ennemi le comprit aussi. Il sentait son front céder.
    Je retrouvai enfin mon maître. Je poussai un cri de joie quand je reconnus son casque d’officier à l’avant. Il donnait l’assaut à un groupe de lanciers mèdes qui n’étaient plus en position d’attaque, mais qui trébuchaient vers l’arrière, terrorisés, jetant leurs boucliers et lâchant leurs entrailles sur les masses désespérées derrière eux. Je courus vers lui dans l’espace libre directement derrière la mêlée et la ligne Spartiate qui avançait en dépeçant l’ennemi. Cet espace était le seul territoire dégagé sur tout le champ de bataille, entre les corps-à-corps meurtriers de la ligne et la zone de chute des flèches mèdes, lancées vers les formations helléniques de réserve, qui attendaient.
    Les Mèdes blessés s’étaient traînés vers cette sorte de sanctuaire, ensemble avec ceux que la terreur avait paralysés, ceux qui faisaient le mort, ceux qui étaient épuisés. Morts et mourants, des corps gisaient partout, piétinés, estropiés, hachés. Un Mède à la barbe magnifique était assis par terre, hébété, tenant ses intestins dans ses mains. Tandis que je courais, l’une des flèches de son propre camp lui cloua la cuisse sur le sol. Nos regards se croisèrent et le sien était lamentable. Je ne sais pourquoi je traînai cet homme au cœur de ce havre illusoire et je regardai en arrière. Les Tégéates et les Locriens d’Opontide, nos alliés suivants dans l’offensive, avaient mis genou en terre, massés devant le Lion de Pierre, leurs boucliers imbriqués et tenus haut pour les protéger du déluge des flèches mèdes. La terre devant eux était tellement criblée de flèches qu’elle ressemblait au dos d’un porc-épic. La palissade au-dessus du Mur flambait, fichée de centaines de flèches incendiaires.
    Les lanciers mèdes cédèrent. Comme des épis de blé qui se couchent sous le pied, leurs corps tombaient à la renverse les uns sur les autres. Ceux de l’avant tentaient de fuir et se heurtaient à ceux de l’arrière, enchevêtrés. Les Spartiates avançaient dans une mer de torses et de membres, de ventres et de cuisses, de soldats qui rampaient à quatre pattes sur leurs camarades et d’autres cloués au sol par les lances et qui se tortillaient, les bras tendus, demandant grâce.
    Le carnage dépassa l’imagination. Je vis Olympias à l’arrière marcher, non sur le sol, mais sur la chair des ennemis tombés, un tapis de corps blessés ou morts, tandis qu’à ses côtés son servant Abatte enfonçait son pique-lézard à tour de bras dans les ventres des vivants, comme quelqu’un qui manœuvrerait à la perche un bateau à fond plat. Olympias avança devant les réserves alliées en attente devant le Mur. Il ôta son casque afin qu’on pût voir son visage, puis donna trois coups de lance sur le sol.
    — Avancez ! Avancez !
    Ils s’élancèrent donc, en poussant des cris à glacer le sang.
    Olympias demeura tête nue, contemplant le spectacle autour de lui, dépassé par l’ampleur du carnage. Puis il rabattit son casque et son visage disparut derrière le bronze

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