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Les murailles de feu

Les murailles de feu

Titel: Les murailles de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Pressfield
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terrifié. Mes camarades marchaient autour de moi, devant, derrière, à droite et à gauche, et tous étaient moi. Moi vieux, moi jeune. J’étais encore plus terrifié, comme si je me désagrégeais. Et puis ils se sont mis à chanter, tous ces moi, et, comme leurs voix s’élevaient dans une douce harmonie, la peur me quitta. Je me réveillai le cœur paisible et je sus que ce rêve venait des dieux. Je compris que c’était ce qui faisait la grandeur de la phalange, le ciment qui assurait sa cohésion. Je compris que cet entraînement et cette discipline que vous Spartiates aimez vous imposer, ne sert pas vraiment à enseigner la technique ou l’art de la guerre, mais à créer ce ciment.
    Médon se mit à rire.
    — Et quel ciment as-tu donc dilué, Suicide, qui fait qu’enfin tes mâchoires se desserrent avec une expansivité si peu scythe ?
    Les flammes éclairèrent un sourire de Suicide. C’était, disait-on, Médon qui lui avait donné son surnom quand ; coupable d’un meurtre dans son pays, le Scythe s’était enfui à Sparte et qu’il demandait à tout le monde de le tuer.
    — Je n’aimais d’abord pas ce surnom. Mais avec le temps, j’en reconnus la profondeur, même si elle n’était pas intentionnelle. Car qu’est-ce qui est plus noble que de se tuer ? Pas littéralement, pas avec une épée dans le ventre, mais de tuer le moi égoïste à l’intérieur, cette partie de soi qui ne vise qu’à sa conservation, qui ne veut que sauver sa peau. C’est la victoire que vous, Spartiates, avez remportée sur vous-mêmes. C’était le ciment, c’était ce que vous aviez appris et qui m’a fait rester.
    Léon le Noir avait écouté tout le discours du Scythe.
    — Ce que tu dis, Suicide, si je peux t’appeler ainsi, est vrai, mais tout ce qui est invisible n’est pas noble. Les sentiments bas sont également invisibles. La peur, la cupidité et la lubricité. Qu’en fais-tu ?
    — Oui, mais ils puent, ils rendent malade. Les choses nobles invisibles sont comme la musique dans laquelle les notes les plus hautes sont les plus belles. C’est une autre chose qui m’a étonné quand je suis arrivé à Sparte. Votre musique. Combien il y en avait, pas seulement les odes martiales et les chants de guerre que vous entonnez quand vous allez vers l’ennemi, mais également les danses, les chœurs, les festivals, les sacrifices. Pourquoi ces guerriers consommés honorent-ils la musique alors qu’ils interdisent le théâtre et l’art ? Je crois qu’ils sentent que les vertus sont comme la musique, elles vibrent sur des registres plus élevés, plus nobles.
    Il se tourna vers Alexandros.
    — C’est pourquoi Léonidas t’a choisi parmi les Trois Cents, mon jeune maître, bien qu’il ait su que tu n’avais jamais fait partie des trompettes. Il croit que tu chanteras ici, aux Portes, dans ce sublime registre, pas avec ceci – et il indiqua la gorge – mais avec cela – et, de la main, il se toucha le cœur.
    Puis il se ressaisit, soudain embarrassé. Autour du feu, tout le monde le regardait avec gravité et respect. Dienekès rompit le silence en disant, avec un rire :
    — Tu es philosophe, Suicide.
    — Oui, dit le Scythe en soudant, ouvre l’œil sur ça ! Un messager vint mander Dienekès au conseil que tenait Léonidas. Mon maître me fit signe de l’accompagner. Quelque chose avait changé en lui ; je le sentais à la manière dont nous traversions le réseau de sentiers qui s’entrecroisaient dans le camp des Alliés.
    — Te rappelles-tu cette nuit, Xéon, où nous discutions avec Ariston et Alexandros de la peur et de son opposé ?
    Je répondis que je me la rappelais.
    — J’ai la réponse à ma question. Nos amis le marchand et le Scythe me l’ont soufflée.
    Il parcourut du regard les feux du camp, les unités des nations assemblées et leurs officiers qui se dirigeaient vers le feu du roi, pour répondre à ses besoins et recevoir ses instructions.
    — L’opposé de la peur, dit Dienekès, est l’amour.

3
    Deux sentinelles montaient la garde à l’ouest, à l’arrière de la tente de Sa Majesté. Ce fut là que Dienekès décida d’attaquer, vu que c’était l’approche la moins visible et la plus vulnérable, parce que la plus exposée au vent. De toutes les images de l’assaut, qui ne dura pas plus qu’une cinquantaine de battements de cœur, la plus tenace est celle de la première sentinelle, un marin égyptien de six pieds de haut

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