Les murailles de feu
lieues de terres de plus apparurent. La main de l’Égyptien effleura les contours de l’Éthiopie, de la Libye, de l’Arabie, de l’Égypte, de l’Assyrie, de la Babylonie, de Sumer, de la Cappadoce, de l’Arménie et du Transcaucase. Il récita les exploits de ces pays, le nombre de leurs guerriers et des armes qu’ils transportaient.
— Un homme qui voyage vite peut traverser le Péloponnèse en quatre jours. Mais regardez ici, mes amis, rien que pour aller de Tyr à Suse, la capitale du Grand Roi, il faut trois mois de marche. Et toutes ces terres, tous ces hommes et toutes ces richesses appartiennent à Xerxès. De plus, ses nations ne se battent pas entre elles comme vous le faites, vous Hellènes, elles ne concluent pas d’alliances douteuses. Quand le Roi ordonne à ses armées de s’assembler, elles s’assemblent. Quand il leur dit de marcher, elles marchent. Et nous n’en sommes même pas à Persépolis, le cœur de la Perse.
Il déroula encore plus la carte. D’autres terres apparurent avec des noms plus étranges. L’Égyptien dévida encore des chiffres. Deux cent mille hommes de cette satrapie, trois cent mille de celle-là. À l’ouest, la Grèce paraissait de plus en plus petite, elle se réduisait aux dimensions d’un microcosme en contraste avec la masse infinie de l’Empire perse. L’Égyptien évoquait à présent des bêtes extravagantes et des chimères, chameaux, éléphants, ânes sauvages de la taille de chevaux. Il indiqua les terres de la Perse elle-même, la Médie, la Bactriane, la Parthie, l’Hyrcanie, l’Arachosie, la Sogdiane et l’Inde, dont ses auditeurs ne connaissaient même pas les noms.
— De ces vastes terres Sa Majesté mobilise encore plus de guerriers, des hommes cuits sous le soleil brûlant de l’Orient, rompus à des épreuves au-delà de votre imagination, équipés d’armes dont vous n’avez aucune expérience et financés par des réserves d’or sans limites. Tous les produits du monde, tous les fruits, toutes les céréales, tous les porcs, moutons, vaches, chevaux, tout ce que produisent les mines, les fermes, les forêts et les vignes, Sa Majesté les possède. Et tout ce qu’Elle possède a été mis au service des armées en marche pour vous asservir.
« Écoutez-moi, frères. La race des Égyptiens est ancienne et c’est par centaines qu’elle compte ses générations. Nous avons vu des empires naître et tomber. Nous avons gouverné et nous avons été gouvernés. Et maintenant, nous sommes conquis de fait et nous sommes au service des Perses. Regardez donc ma situation. Ai-je l’air misérable ? Ai-je le comportement d’un humilié ? Regardez ici ma bourse. Avec tout le respect que je vous dois, frères, je pourrais vous acheter et vous vendre, vous tous, rien qu’avec ce que je porte sur ma seule personne.
Olympias interrompit alors l’Égyptien et lui demanda d’en venir au fait.
— Ce que je veux dire est ceci, mes amis. Sa Majesté ne vous témoignera pas moins de respect, à vous Spartiates, qu’à nous autres Égyptiens ou tout autre grand peuple guerrier, si vous écoutez la voix de la sagesse et vous enrôlez volontairement sous sa bannière. Nous avons appris en Orient ce que vous, les Grecs, n’avez pas encore appris. La roue tourne et l’homme doit tourner avec elle. Résister n’est pas seulement témérité, mais folie.
J’observai alors les yeux de mon maître. Il était évident qu’il jugeait l’Égyptien sincère et pensait que celui-ci exprimait de l’amitié et du respect. Mais il ne put retenir plus longtemps son irritation.
— Vous n’avez jamais goûté la liberté, ami, lui rétorqua Dienekès, sinon vous sauriez qu’elle ne s’achète pas avec de l’or, mais avec de l’acier.
Puis il se ressaisit rapidement et, tendant la main vers l’épaule de l’Égyptien et cherchant son regard d’un air souriant, il ajouta :
— Quant à la roue dont tu parles, comme toutes les autres, elle tourne dans les deux sens.
Nous atteignîmes Olympie l’après-midi du second jour après que nous fûmes partis de Pella. Les Jeux olympiques, qui sont consacrés à Zeus, sont les plus sacrés de tous les rassemblements helléniques. Pendant leur célébration, aucun Grec ne peut prendre les armes contre les autres et même, aucune nation contre un envahisseur étranger. Les Jeux devaient se tenir, cette année-là, quelques semaines plus tard ; de fait, les terrains olympiques et les
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