Les murailles de feu
ensemble le reste du chemin vers la cité.
Le Platéen fit part de ce qu’il avait appris sur l’ennemi. L’armée perse, dit-il, comptait deux millions d’hommes, recrutés dans tous les pays de l’Empire et assemblés depuis l’été dernier à Suse, capitale de Sa Majesté. Ces armées étaient parties pour Sardes afin d’y passer l’hiver. Et de là, comme le plus novice des lieutenants l’eût compris, ces masses se dirigeraient vers le nord, le long des grandes routes côtières d’Asie Mineure ; elles passeraient par Éole et la Troade, traverseraient l’Hellespont par bateaux ou sur des ponts et puis s’orienteraient à l’ouest, passant par la Thrace et la Chersonèse, le sud-ouest par la Macédoine et enfin le sud, vers la Thessalie. C’est-à-dire la Grèce même.
Les Spartiates, eux, racontèrent ce qu’ils avaient appris à Rhodes : l’armée perse avait déjà quitté Sardes ; le plus gros s’en trouvait déjà à Abydos, se préparant à traverser l’Hellespont. Elle serait en Europe dans un mois.
À Sélassie, un messager des éphores (1) de Sparte attendait mon maître avec une sacoche d’ambassadeur ; il y trouva l’ordre de quitter son groupe et de se rendre sur-le-champ à Olympie. Il prit congé à la route de Pella et, suivi de moi seul, se lança dans une marche forcée, comptant parcourir soixante-quinze kilomètres en deux jours.
Il n’est pas rare au cours de ces randonnées de faire des rencontres, chiens espiègles ou voyous à demi ensauvagés. Quelquefois ces derniers nous suivaient pour la journée, trottant allègrement sur les talons du voyageur. Dienekès appréciait ces vagabonds et ne manquait jamais de leur faire bon accueil ; cette fois-ci, toutefois, il me recommanda fermement d’écarter toute rencontre, canine ou humaine, et de foncer de l’avant sans regarder à gauche ni à droite.
Je ne l’avais jamais vu si préoccupé. J’étais sûr qu’un incident qui s’était produit à Rhodes était la cause de son inquiétude. Cet incident s’était produit au port, tout de suite après que les marins égyptiens et spartiates eurent échangé leurs cadeaux et furent près de prendre congé les uns des autres. L’on en était venu à ces instants où des inconnus laissent tomber les manières formelles qui avaient prévalu jusque-là et parlent librement, d’homme à homme. Le capitaine Ptammitèque avait visiblement apprécié mon maître et le polémarque Olympias, le père d’Alexandros. Il les prit à part et les conduisit alors à la tente du commandant naval de la campagne, dressée sur le quai et, avec la permission de cet officier, leur montra une merveille comme les Spartiates, et moi-même évidemment, n’en avaient jamais vue.
C’était une carte. Une représentation de géographe et non seulement de l’Hellade, mais du monde entier.
Parfaitement détaillée et réalisée, elle mesurait près de deux mètres ; dessinée sur un papyrus du Nil, un matériau si remarquable qu’il était translucide quand il était tendu contre la lumière, mais qui était néanmoins si résistant qu’on n’eût pu le déchirer qu’avec une lame.
Le marin déroula la carte sur la table du commandant d’escadre. Il indiqua aux Spartiates leur propre pays, au cœur du Péloponnèse, avec Athènes à mille deux cents stades (2) au nord et à l’est, Thèbes et la Thessalie au nord, et les monts Ossa et Olympe à l’extrémité la plus septentrionale de la Grèce. À l’ouest, le calame du géographe avait représenté la Sicile, l’Italie et toutes les étendues de mer et de terre jusqu’aux Colonnes d’Héraklès. Et il n’avait même pas déroulé toute la carte.
— Je ne veux que vous représenter, dans votre propre intérêt, dit Ptammitèque aux Spartiates par le truchement d’un interprète, l’étendue de l’Empire de Sa Majesté et les ressources dont Elle dispose contre vous, afin que vous puissiez décider de résister ou non, sur la base de faits et non de fables.
Il déroula le papyrus vers l’est. Sous la lampe apparurent les îles de l’Égée, la Macédoine, l’Illyrie, la Thrace et la Scythie, l’Hellespont, la Lydie, la Carie, la Cilicie, la Phénicie et les cités ioniennes de l’Asie Mineure.
— Le Grand Roi contrôle toutes ces nations. Il les a toutes mobilisées à Son service. Elles se dirigent toutes vers vous. Mais est-ce là la Perse ? Avons-nous atteint le cœur de l’Empire… ?
Et des
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