Les Mystères de Jérusalem

moi, prêt à me redresser, à remettre mes chaussures et à partir, comme si la perte de mon coeur ne pesait rien devant la perte de ma barbe!
    - Pas question! jamais je ne me suis rasé la barbe. Jamais je ne me suis vu sans barbe...
    - Monsieur Halter, je dois vous expliquer quelque chose, déclara le chirurgien avec le calme que l'on prend devant un enfant capricieux. Si, pendant l'opération, le moindre poil - ou même un fragment de poil - de votre barbe se détachait et pénétrait dans la plaie que nous ouvrons, on ne pourrait s'en rendre compte que trop tard. Il provoquerait une infection catastrophique. Il faudrait vous ouvrir à nouveau et...
    - D'accord, professeur, l'interrompis-je. Vous avez vos arguments. Moi aussi. je ne connais pas mon visage sans barbe. Suis-je beau ou hideux?
    Suis-je seulement moi-même? Imaginez un instant ce qu'il va se passer. Vous faites une superbe opération. Tout va pour le mieux. je me réveille en pleine forme. Et voilà que je découvre mon visage. Ce visage nouveau qui n'est ?as le mien, je le prends en horreur! qui est ce moi qui est levant moi? quel choc! que se passe-t-il ? Stress, coup au coeur, ;pasme cardiaque, pontages qui sautent, annulation de tous vos -ff orts... Mort!
    Le chirurgien resta quelques secondes sans voix, éberlué. Puis 1 éclata de rire.
    Il y a peut-être une autre solution...
    Il faut qu'il y en ait une.
    Nous pourrions vous bander le visage étroitement en ne aissant que le passage d'un tuyau pour la respiration. Ce n'est )as très orthodoxe, mais... Et ce ne sera pas confortable pour ,ous non plus. En vous endormant, vous allez vous sentir dans la )eau d'une momie!
    je retrouvai mon sourire et mon humour.
    - Va pour la momie! Si jamais ça se passe mal, au moins crai-je déjà prêt pour le voyage éternel!
    Le lendemain, à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, avant d'entrer dans le bloc opératoire on me banda donc le visage, enfouissant ma précieuse barbe sous le Velpeau... Le professeur n'avait pas tort. Ce n'était pas confortable. Mais d'un inconfort très relatif comparé à la conscience lancinante que ma vie allait se jouer dans les heures prochaines 1
    A l'instant même o˘ l'on me fit glisser sur la table d'opération, j'affrontai une sensation inconnue. Involontairement, je cherchais à rester éveillé le plus longtemps possible. Soudain, je compris que j'étais au seuil du néant, qu'il me hélait et m'attirait comme un aimant. Non pour y couler à pic, mais pour y &lisser paisiblement, dans une caresse dépourvue de douleur. A ma grande surprise, cette glissade était consolatrice. je ne ressentais aucune angoisse mais une étrange et libératrice exaltation...
    C'est alors, devant moi, dans toute la masse ancienne de ses pierres, que je vis apparaître Jérusalem! Tel un navire sur une mer infinie, elle voguait en silence. De la houle bleutée des montagnes, ses murs dorés par le soleil et les millions de regards qui les avaient vénérés surgissaient comme s'ils ignoraient la pesanteur. Nef de rêves et de prières, peuplée d'ombres humaines et d'‚mes ferventes, la ville entière s'approchait de moi. Pareil à un puissant fanal d'alerte, un reflet du soleil sur la qubbat alSakhra, le Dôme du Rocher, m'éblouit. je vis son m‚t, la tour de David et la coque crénelée de ses remparts qui échancrait sa lumière intime...
    Dans une splendeur unique et muette, Jérusalem venait à ma rencontre. J'eus encore conscience de mes paupières closes, puis je sus, avant même que l'opacité du sommeil artificiel ne m'engloutît, qu'elle m'enveloppait tout entier et me protégeait.
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    - Bon sang! hurlait Bernstein. O˘ vous croyez-vous? On ne rous a jamais dit que ce foutu journal était le meilleur? Le plus érieux du monde ? qu'avez-vous donc dans la cervelle ?...
    Il laissa retomber son poing sur le bureau. Sa blessure à )oreille virait à
    l'écarlate. Tom ne doutait pas qu'au-delà du )ureau de verre toute la salle de rédaction était à l'écoute.
    - Comprenez-moi bien, Hopkins! Toutes ces ‚neries sentinentales sur votre copinage avec le Russe, je m'en moque omplèternent. quant à cette soi-disant dette morale que le lieur,nant cherche à vous foutre sur le dos, c'est de la foutaise... Mais maginez un peu de quoi on aura l'air si nos Laurel et Hardy vont e promener dans tout New York en racontant que vous avez crit vos articles à quatre mains avec un futur cadavre? Et sans ,utre source! Seigneur tout-puissant!Je