Les Mystères de Jérusalem
avions droit, ses amis le taquinaient au sujet de ces documents.
- Tu aurais mieux fait de garder quelques bijoux au lieu de ces vieilles paperasses. Avec les bijoux, tu pourrais au moins acheter un peu de nourriture au marché noir. Avec tes papiers,
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tu ne pourras te payer ni un enterrement ni même une pierre tombale!
Pan-ni les fameux papiers, mon père aimait particulièrement un texte vieux de presque neuf cents ans. ¿ son côté, sentant littéralement la mémoire et le passé se transfuser du parchemin à la chair de mes doigts, je l'avais lu et relu. C'était la lettre d'un de nos ancêtres, d'un Halter qui habita un village situé près de Haguenau.
En son temps, à la fin du x' siècle, il fit un voyage àjérusalem. Il avait mission de porter à la communauté juive de la Ville sainte les fonds recueillis pour elle auprès des Juifs d'Alsace. je connaissais par coeur ce court texte. J'y puisais une émotion semblable à celle d'une prière. Les yeux à demi clos, tandis que la voiture de mon ami m'emportait vers l'hôpital et un incertain surcroît de vie, je me le récitai en silence.
Recevez de la Ville éteiullefidèle à Dieu, les salutations du dirigeant des acadÎmies de Sion. Dieu a voulu que les _7uifs trouvent gr‚ce aux yeux des dŒr*veants musulmans. Après avoir envahi la Palestine, les Arabes entrèrent à _7àwalem. Depuis, les,7ufis vivent parmi eux, consentant à entretenir le site et à le garder propre en échange du droit de prier à ses portes. Ici la vie est extr‚nement dure, la nouniture rare, lespossibilités d'emploi très limitées. Deplus, les Arabes pressurent les _7ufis de lourds impôts et de toutes sortes de taxes. S'ils ne sen acquittent pas, ils seront pn"vés du droit & se recueillir sur le mont des Oliviers o˘ réside la présence divine conformêment à ce qui est écrit dans …zéchiel X* 23 : " La gloire de Dieu s'éleva au-dessus du centre de la Ville et se plaça sur la montagne qui est à lEst. " Venez-leur en aide, secourez-les. sauvez-les - dans votre intérêt même, puisqu'ils prient aussi pour votre bien...
Ce lointain ancêtre avait habité la mémoire et les pensées de mon père, puis les miennes. Alors que je lisais une description de quatre siècles plus récente, la mort, tel un grain de poussière, ivait tournoyé autour de moi pour s'en retourner, comme le dit a Genèse, à la poussière... Devais-je y voir un signe? O˘ Itaient-ce seulement la peur de la mort et la douleur de l'attaque lui me bouleversaient, me faisant interpréter une banale coin-idence comme un appel encore incompréhensible du destin?
- Nous arrivons, dit souà*;*'amŒ.
Il poursuivit en m'expliquant le parcours du combattant cardiaque qui m'attendait. De quoi me tirer définitivement de mes réflexions et me ramener dans un réel très immédiat.
J'oubliai tout à fait Jérusalem.
Les craintes de mon ami cardiologue furent confirmées par les analyses et le diagnostic de ses confrères. Cette fois, il me fallait subir un pontage.
En quelques heures, une chaîne amicale se mit à l'oeuvre et fit de moi un malade privilégié. Avant le soir, le professeur, un chirurgien à l'accent iranien, au sourire serein et chaleureux, plein de tact, vint m'ausculter.
- Vous allez m'opérer? lui demandai-je, comme sifespérais encore une autre décision.
- Mais oui...
En quelques mots simples, il m'expliqua ce qu'il allait faire m'ouvrir la poitrine, découper des bouts d'artères ou de veines bouchées et les remplacer par d'autres... Dans sa bouche, tout cela ressemblait à une élémentaire manipulation de plomberie, voire à un petit jeu de déconstruction-reconstruction comme en font les enfants. J'avais beau être sur mes gardes, sa sérénité finit par me décrisper.
- Et après ?
- Après quoi?
- Lorsque vous aurez remplacé les mauvais bouts d'artères par les bons...
- Eh bien, c'est fini. Nous recousons et vous êtes bon pour vivre la seconde partie de votre vie!
- C'est aussi simple que cela?
- Bien s˚r. En médecine, il n'y a que la simplicité qui paie!
Il rit puis haussa les sourcils.
- je vais demander aux infirmières de venir vous raser la barbe...
- Me raser la barbe? Vous n'y pensez pas!
Il rit à nouveau.
- Mais si, monsieur Halter! C'est une règle. On va vous raser la poitrine et la barbe.
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a.
- Uomme vous voulez pour la poitrin*,__ŒnÔis pour la barbe, pas question!
Il ne riait plus. Sans vraiment savoir pourquoi, j'étais hors de
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