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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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cessé de m’attendre. Car elle n’est pas mariée, dites-moi ?
    — Non.
    Abandonnant Rochechouart à son dépit, Ogier observa, éclairés par des flambeaux plus nombreux, les réchappés d’une vaillantise inutile que le fier Aimery pouvait bien avoir décidée. Certains soutenaient un compagnon ; d’autres en chancelant regagnaient seuls leur maison. Sur le pavé, un jouvenceau trépassait, une main sur un crucifix, l’autre sur celle d’un clerc qui l’exhortait à la confiance. Des commères et des filles follieuses, pour une fois unies, consolaient les veuves et les mères. Menés par des manants, deux destriers revenaient à l’écurie, leurs jambes tremblantes chaussées de sang. L’un des chevaliers traversa la rue.
    — Viens-tu Aimery ? dit-il. Nous devons tenir conseil.
    Indifférent à cette injonction, Rochechouart ôta ses gantelets.
    — Je devine que le temps vous presse, mais laissez-moi vous retenir un tantinet pour vous dire que Blandine sait que nous repousserons les Anglais.
    C’était une affirmation si fausse que Tinchebraye et Joubert en sourirent. Touchant l’anneau que la pucelle lui avait remis avant leur séparation, Ogier sentit sa quiétude lui échapper :
    — Rien, messire, ne résiste aux Anglais et à leurs suppôts de Gascogne. C’est pourquoi je veux mettre Blandine hors d’atteinte de leurs appétits, si vous comprenez ce que je veux dire !… Et le pourrais-je que j’emmènerais toutes les femmes, pucelles, et les enfants, garçons et filles… Et les nonnes aussi. J’ai vu comment ils célébraient leurs victoires !
    — Blandine est en sûreté, vous dis-je !
    Rochechouart paraissait soudain à son aise dans son écorce de fer, mais révélée par le passage d’une torche que brandissait un sergent, l’excessive pâleur de ses joues infirmait cette assurance. Il eût probablement suffi qu’un guetteur criât : « À l’arme ! » pour que sa hautaineté se décomposât. « Il ne triche [38] que lui-même… Il m’avait détesté ; désormais il me hait ! » Le nom de Blandine, dans sa bouche, perdait toute sa séduction. Et voilà qu’il se courrouçait :
    — Vous avez été hardi, j’en conviens. Il me plaît d’ajouter que vous avez été bien chanceux !… Mais comment ferez-vous pour quitter ces murailles ?
    Ogier eût voulu trouver cet homme-là méprisable ; il ne le pouvait. Même si la sortie des Poitevins apparaissait comme un coup de folie décidé à son instigation, Rochechouart y avait engagé sa renommée, sa vie et de nobles espérances. En outre, sans cette action déraisonnable, jamais Joubert, Tinchebraye et lui-même n’eussent pu accomplir leur dessein. C’était par respect pour cette appertise néfaste à ses participants, mais favorable à ses amours qu’il conservait d’ailleurs, face à ce présomptueux, une courtoisie non feinte. Qu’elle l’exaspérât, c’était l’évidence. S’il manquait de sens rassis, Rochechouart semblait fort bien pourvu en volonté : il voulait Blandine, donc il fallait qu’elle demeurât en ville. Croyait-il vraiment qu’il saurait la défendre – s’il vivait encore, et rien n’était moins sûr – quand les Goddons et les Gascons se répandraient dans les rues ?
    — Messire, le temps presse… Il me faut vous laisser.
    — Je vous ai demandé comment vous partirez !
    — Dieu et les Poitevins m’ont aidé à entrer. Lui seul favorisera notre fuite !
    Et comme Rochechouart tapotait son épée, Ogier ajouta fermement :
    — Il se peut que vous aimiez Blandine autant que moi. Et même davantage. Mais c’est à moi qu’elle a donné sa foi et cet anneau que vous devez connaître… Elle sera mon épouse, et voyez-vous, si elle y consentait, nous nous marierions cette nuit même !
    Rochechouart tressaillit ; sa voix jusqu’alors forte devint suave :
    — Et si je vous dénonçais comme espion ? Certains chevaliers, bourgeois, manants, étaient à Chauvigny lors des Pâques dernières. Ils n’ont pas oublié qu’au tournoi vous avez été châtié comme un malandrin, puis emprisonné à Angles !… J’ai su votre évasion… Avec un Anglais !… Et c’est pourquoi je peux…
    « L’espion, tu pourrais le chercher de côté de Guichard d’Oyré », se dit Ogier, tandis que Tinchebraye, la main sur la prise de son épée, intervenait :
    — Abstenez-vous de chercher noise à messire Argouges. Il jouit des égards du roi qui en a fait

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