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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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du trébuchet, les portes closes et les assaillants.
    — On trouvera ! Sois quiet, Tinchebraye… Désormais, compagnons, je suis votre obligé…
    La foule des combattants et manants poitevins demeurait serrée au revers des vantaux contre lesquels les heurts avaient cessé. Des cris et des gémissements s’élevaient : ceux des blessés, ceux des parents qui, après avoir appelé un mari, un frère, un père, devaient présumer son trépas. Certains survivants, ébaubis d’être revenus de l’enfer, sanglotaient ; d’autres se congratulaient en riant, sans souci des douleurs et désespérances voisines ; deux hommes à barbute et haubergeon de mailles, les épaules ensanglantées, consolaient l’épouse ou la mère d’un disparu :
    — S’il est au Ciel, quoi de meilleur pour lui, Berthe ?
    — Il était si jeunet, Berthou, que s’ils l’ont pris vivant, ils ne lui feront point mal !
    Or, justement, au-delà des murailles, des hurlements de souffrance et d’effroi prouvaient que les prisonniers payaient cher la déconvenue des Anglais, et pour éviter de reconnaître une voix aimée, certains femmes et jouvencelles se bouchaient les oreilles.
    — Trois cents morts au moins, dit Tinchebraye.
    — Hé oui, approuva Joubert. Cette sortie nous a bien arrangés, mais c’était une marmouserie !
    — Voyez donc ses promoteurs, messire, dit Tinchebraye. Là-bas…
    Les chevaliers et les écuyers s’étaient rassemblés devant le seuil d’une écurie, assez loin de ces manants dont ils percevaient l’aversion. Un seul, le dernier rentré, demeurait à cheval. Il lança un commandement, et des piétons accoururent autour de lui.
    — Tous au Moulin-Cornet ! cria-t-il. Ils s’apprêtent à nous assaillir là.
    En courant, l’arbalète au côté, les hommes, une vingtaine, s’éloignèrent.
    « Est-ce lui  ? » se demanda Ogier, puis, s’adressant à ses compagnons :
    — Assez perdu de temps… Quittons cette cohue !
    En avançant dans la rue éclairée par deux pots à feu, il se dit : « Si c’est lui, nous nous reconnaîtrons. » Et comme il passait, entre Joubert et Tinchebraye, devant le porche où les seigneurs et les écuyers commentaient la bataille, le capitaine à cheval qui s’apprêtait à traverser la rue pour les rejoindre, s’exclama d’une voix courroucée :
    — Fenouillet !
    — Je vous salue, messire Rochechouart.
    Tout en regrettant de s’être éloigné d’une foule qui l’eût dérobé aux regards de cet homme, Ogier se dit qu’à Chauvigny, ce familier des Berland n’avait cessé d’épier Blandine comme une proie, sinon comme une friandise. Était-il veuf ? Marié ? L’envie qu’il avait de la pucelle ne prouvait pas qu’il fut dépourvu d’épouse. Son bassinet grand ouvert et son armure tachés l’un et l’autre de cervelle et de sang attestaient sa vaillance, mais cette vaillance-là, des humbles aux prud’hommes, tous les participants de la vaine sortie de ce soir en avaient été pourvus.
    — J’étais loin de penser à vous, Fenouillet !
    — Moi pas, messire !
    Penché plus qu’il ne l’eût fallu sur l’encolure de son roncin à la bouche écumante, Aimery de Rochechouart dominait cet intrus que sans doute, à l’issue des Pâques chauvinoises, il avait pris pour un malandrin. Ogier se sentait la tête et les épaules lourdes d’un mépris dont il n’avait cure. Il lui fallait en hâte rétablir la vérité sur sa personne, puis courir jusqu’aux halles et adjurer Blandine de se placer sous son unique protection.
    — Non plus Fenouillet, messire : j’ai repris mon vrai nom qui est Argouges.
    Rochechouart, s’il fut étonné, sut bien le dissimuler. D’ailleurs, l’ombre de sa visière atténuait les traits de son visage. Faisant encore un pas vers ce chevalier dont il put voir ainsi le bras senestre en sang, de la cubitière au gantelet de mailles, Ogier crut bon d’ajouter :
    — J’ai repris mon vrai nom après Crécy…
    Crécy, Rochechouart s’en moquait, sans doute. Il demanda :
    — Êtes-vous à Poitiers depuis quelques jours ?… Vous vous êtes battu : cela se voit !
    Ogier sentit poindre une crainte dont il n’eut aucune envie de se délecter : Rochechouart pouvait, lui aussi, aimer follement Blandine.
    — J’arrive en votre cité ce soir même. Pour mes compagnons et moi, votre sortie fut la très bienvenue !… Une fois le Clain traversé, nous ne savions comment entrer. Vous

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