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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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son champion au soir de Crécy… Hein, Joubert ?
    — Notre sire Philippe lui a même remis une bourse afin qu’il puisse constituer la lance [39] à laquelle nous appartenons !
    Soulageant toujours son épaule blessée, Joubert tremblait de douleur et d’irritation. Tout grand seigneur qu’il fut, Rochechouart, cette nuit, semblait à son niveau. Il lui sourit pour s’excuser de sa rudesse puis, avec une fermeté qui ressortissait au dédain :
    — Hé oui, messire, c’est ainsi… Que Dieu, si je mens, me punisse !
    Deux chevaliers, l’un barbu, l’autre moustachu, s’approchaient, serrant leur bassinet sous l’aisselle.
    — Qui est-ce ? demanda le barbu.
    — Ogier de Fenouillet, Étienne. Ne le reconnais-tu pas ?
    Ogier n’émit aucune protestation, bien qu’il trouvât que Rochechouart exagérait. Tinchebraye et Joubert également.
    — Celui, dit le moustachu, qui s’évada du châtelet d’Angle après avoir été accusé de moult turpitudes par la jeune folle de la baronnie de Morthemer ?… Pour ma part, Aimery, je n’y avais pas cru.
    Ogier ne put se retenir de sourire : si Rochechouart avait voulu rallier ses amis contre lui, il en était pour ses frais.
    — Mon nom, messires, est Argouges. Et je suis natif de Normandie.
    — J’allais vous présenter. J’ajoute que vous êtes le champion du roi, si j’en crois vos soudoyers…
    Ainsi, les lèvres retroussées sur un peu de blanc, Rochechouart avait l’air avenant : la présence de ses pairs lui faisait obligation d’avoir cette contenance, mais au fond de lui-même, il brûlait de fureur.
    — Jusqu’ici, dit le barbu, notre sire Philippe n’avait aucun champion.
    — C’est vrai. Mais depuis que j’ai outrepercé Blainville en sa présence…
    — C’est vous qui l’avez occis ! Nous savions qu’il était mort, mais nous ignorions comment.
    — Je l’ai châtié, messires, pour moult amises [40] , preuves en main, au soir de notre échec à Crécy… C’est ainsi que le roi m’a baillé sa confiance.
    Les regards ahuris échangés par ces hommes valaient mieux qu’un compliment. Le moustachu, petit et rondelet, et qui semblait étouffer sous ses fers, soupira de plaisir ou d’admiration :
    — Je vous envie d’avoir meurtri cet orgueilleux ! Il était déplaisant et pervers et oncques ne vit bâtard plus injustement favorisé par son suzerain.
    Essuyant du bout des doigts sa cubitière dextre comme si quelques poussières eussent terni du velours de Venise ou de Gênes, il prit sa voix de Cour :
    — Je suis Jacques de Bourbon, sire de Leuze, lieutenant du roi [41] … Vous avez pu entrer, c’est bien. Vous prêterez tous trois votre aide à nos gens d’armes que je dois délaisser pour quérir des renforts !
    Outre qu’il n’en était plus temps, ces renforts n’existaient pas, mais c’était un prétexte pour quitter la ville. Comment, sinon par un souterrain.
    « J’ai grande suffisance de navrures et occisions, moi, Argouges ! Je suis venu pour Blandine, rien d’autre ! »
    Ignorant Rochechouart, Ogier demanda :
    — Avez-vous, messires, perdu moult chevaliers dans cette sortie ?
    — Les deux Berland, répondit Bourbon et aussi Amaury de Lôme… Je l’ai vu tomber après qu’il eut reçu un taillant à la tête.
    Ce trépas réjouit Ogier : Lôme était un malandrin. Il eût pu dire : « Voilà qui m’évitera de l’occire ! » Il s’épargna ce commentaire. Ces trois chevaliers pouvaient avoir eu de l’amitié pour cet homme avant tout dévoué à Blainville.
    — Argouges est entré à la faveur de notre sortie, dit Rochechouart.
    — Qu’êtes-vous venu faire ? demanda le barbu qui semblait peu enclin à parler.
    — Chercher pour l’épouser la pucelle que j’aime.
    — La fille Berland, dit Rochechouart.
    La fille  ! Le mot devenait soudain vil dans la bouche de cet envieux. Il eût dit aussi, sans en varier le ton, ribaude et même pute. Tandis que Jacques de Bourbon dévisageait Rochechouart comme s’il ne le reconnaissait plus, Ogier eut tout loisir d’apaiser son courroux.
    — La cité est cernée, soupira Jacques de Bourbon. Je crains que vous n’en puissiez sortir…
    Il allait s’escamper, lui, Bourbon ! Quand et comment ? Renonçant à exprimer cette pensée et même à ajouter : «  Emmenez-nous  », comme il s’y attendait peut-être, Ogier s’inclina :
    — Je ferai pour le mieux.
    — Je ne sais, dit Rochechouart,

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