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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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comment vous quitterez cette enceinte…
    « Il espère que je parlerai de souterrain pour s’ébaudir un bon coup. Je vais le décevoir en n’en disant mot. Mais je suis sûr, maintenant que je sais que Bourbon va s’enfuir, que ce souterrain existe ! »
    — … et soyez assuré que s’il advenait malheur à Blandine…
    — Vous voulez dire à la fille Berland ? dit Ogier en écartant, d’un mouvement des bras, cette menace inutile.
    Puis, s’adressant aux deux chevaliers :
    — Le malheur dont parle messire Rochechouart est entré dans cette cité où des nobles au commun, ceux qui vivent encore pleurent les morts, les disparus… et même cette main, entre les vantaux, qui est à personne et à tous ! Si vous connaissez un souterrain pour évacuer les femmes, pucelles et enfants, je vous conseille de les y faire entrer sans retard… Je vous vois sourire, Rochechouart, car vous pensez que j’en profiterais avec mes compagnons et Blandine… Sachez qu’en Beauvaisis et Ponthieu, j’ai vu ce dont les Goddons sont capables… Quant à moi, je n’ai, depuis mes enfances, toujours compté que sur moi-même et sur la bienveillance de Dieu !
    La voix d’Ogier tremblait de malerage. Les trois hommes en furent ébaubis. Sans doute l’avaient-ils cru découragé par l’énormité de son entreprise. Brusquement, Bourbon et son compagnon peu disert s’en allèrent sans un salut ni même un souhait de bonne chance. « J’ai aggravé leur peur ! » Rochechouart soupira :
    — Vous dites vrai : Poitiers peut devenir l’enfer… et ils le savent !
    Ogier lui sut bon gré d’avoir pressenti le cheminement de ses pensées. Et c’était une chose curieuse que, même absente, Blandine, en ce moment même, après les avoir si formellement opposés, eût mis un terme à leur courroux.
    — Faites pour le mieux, Argouges… et que Dieu vous protège tous ! Un souterrain existe, en effet, mais j’en ignore l’accès.
    Ogier sourit. Sans rien lui retirer de sa détestation, Rochechouart lui accordait sa confiance. Comme son cœur devait saigner ! Passion toute charnelle, sans doute, que celle qu’il vouait à Blandine, sans quoi jamais il n’eût employé le mot fille.
    —  Faites pour le mieux, vous aussi, Rochechouart… Il vous faudrait bien mille lances pour espérer repousser ces démons… Vous ne les aurez pas… Adonques, mieux vaudrait essayer de traiter avec Derby que de céder, finalement, à ses assauts.
    — Jamais.
    — Il faut parfois savoir s’incliner par sagesse : vous avez des milliers de vie à protéger et je…
    — Jamais !
    — À votre aise… Je ne suis pas à votre place, et peut-être, y étant, répondrais-je comme vous… Soyez assuré que si nous ne pouvons abandonner la ville, mes compagnons et moi serons à vos côtés.
    Tinchebraye approuva de la tête, Joubert grimaça en lâchant son épaule, et comme Rochechouart faisait un pas, Ogier le retint par sa cubitière, le dissuadant ainsi de lui faire un brin de conduite :
    — Non, messire : demeurez… Outre que je connais le chemin des halles, il me semble que les Anglais remuent un peu trop… Oyez leurs cris… Défiez-vous qu’ils ne donnent l’assaut bientôt… Allons, venez, les gars… Tinchebraye, soutiens Joubert.
    — Que Dieu vous garde, dit Rochechouart.
    — Qu’Il vous protège toutes et tous [42]  !
    Ogier fit quelques pas. Ses hommes le suivirent en vitupérant l’indifférence d’un Dieu qui semblait accorder uniquement son soutien aux Anglais.
    — Allons, leur dit-il, conservez votre ayr [43] pour le retour. Si ce n’est Dieu qui nous aide, ce sera messire saint Michel.
    Il n’osait se demander comment, par quel miracle il entraînerait Blandine et ses soudoyers hors des murs. Sa confiance et sa raison s’étaient évaporées. Il lui fallait retrouver la jouvencelle. Ensuite, tout se clarifierait.
    Terne comme un vieux couvercle de marmite, le ciel de suie pesait sur la cité. Çà et là, des ombres passaient sans qu’on pût entrevoir sur l’une d’elles l’éclair rassurant d’une arme.
    — Les pauvres, dit Tinchebraye.
    Certes. On sentait à voir ces fantômes glisser furtivement dans la nuit qu’ils manquaient de vigueur et de férocité. Bientôt, la mort les viendrait adouber. Comme les chevaliers, écuyers et soudoyers submergés par le nombre et la fureur des ennemis, ils connaîtraient l’angoisse et la souffrance. Présentement, ils se dissolvaient

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