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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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en Vous ! » Il devait se retourner et cracher à pleine gorge toutes sortes de malédictions au mire. Confiance pesait lourd à son flanc ? Il devait la tirer du fourreau et…
    Non ! La sollicitude du chirurgien ne s’était pas limitée aux soins et à la guérison quasi miraculeuse de sa jambe rompue par Guichard d’Oyré : elle lui avait permis de retrouver, après Crécy, Marchegai, son armure et son épée. Aide pernicieuse ? Allons donc ! Il s’était réjoui de promettre à cet homme dont il savait l’appartenance au Temple , la redevance de son choix. C’était pourquoi il se trouvait ce soir dans une commanderie en ruine.
    La nuit se refermait autour de Montgaugier ; presque opaline, et teintée çà et là d’argent lunaire. Les haies et les frondaisons composaient des masses noires, et il se sentit cerné, observé ; mais par qui ? Son trouble ne rendait que plus sereins les vestiges chers à Sirvin… ou plutôt au chevalier Benoît de La Ferrière. Quels débris de châteaux fiers, de cités prospères jonchaient encore cette Terre Sainte qu’il imaginait mieux, maintenant, grâce à ce vieillard vers lequel il revenait lentement. Pourquoi fallait-il que, pour les Francs, l’histoire se répétât sans qu’ils tinssent compte de ses enseignements ? C’était l’orgueil forcené des nobles – il fallait bien qu’il se le dît – qui avait préjudicié la folle hardiesse des guerriers chrétiens de Séphourie. C’était aussi leur orgueil qui, en juillet 1302 [87] , avait provoqué leur perte face aux manants et bourgeois de Flandre. Des soixante-dix mille hommes assemblés par Philippe le Bel et sa femme – non moins pernicieuse que la Boiteuse de Philippe VI – pour dévaster ce pays, seuls sept mille avaient survécu ! C’était encore l’orgueil qui avait nui à la noblesse et par-delà à la France sur la butte de Crécy !
    « Je mourrai bientôt, sans doute… Nullement par incidence d’orgueil mais parce que, sous peine de passer pour un couard, je devrai suivre l’écuyerie et la Chevalerie du royaume… Je vivrai en Paradis… Car il existe ! Dieu existe ! Son Fils existe ! »
    La nuit tombait du ciel comme une vapeur blême ; l’odeur de la campagne était douce, charnelle. Cette quiétude-là, cette splendeur des choses qui s’endormaient comme les êtres humains et les animaux ne pouvait exister que parce que Dieu l’avait voulu ainsi. L’air frais et velouté du parfum des herbes et des arbres était comme Son haleine … Mais pourquoi, s’il était si bon, présidait-Il, impassible, aux boucheries de la guerre ? Pourquoi, surtout, n’avait-Il pas aidé les Francs à vaincre les Mahomets ?
    Il prit sa couverture et se roula dedans :
    — Vous me plongez l’esprit dans du venin ! Et si je ne vous connaissais, messire, je vous prendrais pour un nouveau Gaumadras [88]  !
    — Au lieu de te courroucer contre moi, tu aurais mieux fait d’abreuver nos compagnons au ruisseau qui court là-bas… Non ! Non ! Ne te lève pas, j’y vais…
    D’un pas traînant qui laissait un double sillage dans l’herbe haute, le vieillard s’éloigna, prit les chevaux au frein et les emmena derrière une haie. Il avait peut-être accompli les mêmes actes, autrefois, au temps heureux de Montgaugier.
    « Il est semblable à Bressolles… Bressolles fut bon pour moi et mon oncle le croyait hérétique… Parce qu’il le contredisait. Lui, Sirvin, fut également bon… »
    Ogier s’efforça de recréer dans sa tête cette nuit grosse de pluie après son évasion du château d’Angle en compagnie de Hugh Calveley. Sans Sirvin, non seulement il fût retombé au pouvoir de Guichard d’Oyré – « qui croit en Dieu et au Christ tout comme moi, bien qu’il Soit le pire suppôt de Satan que je connaisse » –, mais il n’eût jamais revu Blandine…
    Il ferma les yeux, entendit le mire et les chevaux revenir et s’efforça de ne pas remuer. Des froissements et un bâillement lui révélèrent que le vieillard s’était allongé. Puis la voix, douce et ferme, perça le silence :
    — Tu ne me hais pas, Argouges… Tu veux savoir… Nous aussi, nous avons voulu savoir et nous avons su… En d’autres temps, sans doute serions-nous parvenus à ouvrir une brèche dans ce mur d’épais mensonges que l’Église a dressé autour de ses fidèles. Nous avions affaire à des démons ! De Boniface VIII qui excommunia Philippe IV et que Sciarra

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