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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Colonna buqua de son gantelet de fer [89] – un pape qui avait terrorisé son prédécesseur, Célestin V ; un pape sodomite, magicien et athée – à Clément V, en passant par Benoît XI, mort empoisonné, le trône pontifical n’a vu passer et trépasser que des malandrins. Ce Clément V fut crapuleux. Il menait grand train avec sa maîtresse, Brunissende… Il n’avait qu’un besoin essentiel : s’enrichir… Voilà les souteneurs de ton Jésus !
    — Ce que vous dites est effrayant !
    — La vérité, pour l’homme ou la femme de cœur, est toujours effrayante. Elle me désespéra comme elle te désespère, et lorsque le commandeur me demanda de cracher sur la croix, j’ai refusé, criant au sacrilège… Essaie d’oublier tout cela pour t’interroger une seule fois : crois-tu qu’il serait décent de ta part, si tu perdais ton père dans une échauffourée, d’adorer l’épée qui l’aurait occis ?
    — Certes non !
    — Tu repousserais cette lame comme une chose infâme ?
    — Oui.
    — Alors pourquoi serais-tu enclin à honorer, en certains lieux de la chrétienté où des clercs prétendent le posséder, quelque soi-disant fragment de la lance qui perça Jésus ?
    — Parce que c’est ainsi.
    — Belle réponse !… Cette lance, sais-tu, n’a jamais existé. C’est une trouvaille d’un homme de Raymond IV de Toulouse au siège d’Antioche [90] . Elle ressemblait à cent, à mille autres et n’était pas plus romaine que tu es Gascon… Pourquoi te sens-tu revigoré de vénérer, grande ou petite, en bois ou en fer, l’une des milliers de croix faites à la semblance de celle sur laquelle cet homme est mort comme un fredain [91] , alors qu’il aurait dû périr la tête en bas comme c’était l’usage pour les conspirateurs ?
    — Assez ! Je ne vous suivrai pas ! Laissez-moi dormir !
    Brûlant de fureur et de déception, Ogier ferma les yeux puis, rageur :
    — Je tourne mon cul à votre Flavius Josèphe !… Et aux autres !
    Il mentait. En certains cas, la curiosité avait des attraits indécents, mais si séduisants tout de même… Il repousserait cette séduction-là. Il comprenait, cependant, que des hommes vivant à Jérusalem, pour ainsi dire à l’ombre de Jésus, eussent cédé au turbulent penchant de la connaissance. Apprendre, n’était-ce pas un des buts essentiels de la vie ? Il maîtriserait cette tentation-là même si, plus que son cœur, son esprit souhaitait sonder le noir passé que le Crucifié avait illuminé de sa seule présence. Ouvrant les yeux et regardant les étoiles, il dit, la voix tremblante d’il ne savait trop quoi – émoi, courroux, lassitude ou frayeur :
    — J’ai peur de cet abîme où vous êtes tombé !
    Ouvrir un livre, ouvrir une porte : des gestes simples. Mais avancer de parchemin en parchemin, peut-être de preuve en preuve… Se sentir soudain différent des autres, même si l’on refuse de croire à ce qu’on a lu : «  Je sais ! » Devenir involontairement hérétique… « Il est des faits indûment acquis qu’on ne doit plus pouvoir dissimuler ! On se préjudicie à les porter en soi sans pouvoir les extirper… Si l’on doute, et même si l’on s’indigne, on est tenté de se confier… On a beau savoir maîtriser sa pensée, des mots peuvent vous échapper ! » Il résisterait à cette soif de connaissance. Et que lui importait, après tout, que des bûchers eussent effacé, avec des hommes, un Savoir qui jamais ne serait dispensé !
    — Les ignorants vivent mieux que ceux qui cherchent au péril de leur âme !
    Jésus, un autre homme ? Un homme, tout simplement… Déjà, il était atteint par un doute. Comment s’en délivrer ? S’en purifier ?
    — Il fait nuit, mais je te vois… Tu as beau joindre les mains et contempler ce ciel serein, tu crains que ce que je t’ai révélé ne soit vrai… Sois assuré que je ne te tente pas, mais qu’il fallait que je t’instruise sans pour autant vouloir te convaincre de la justesse de mes dires… J’ajoute que nos extrêmes malheurs nous les devons nous, Templiers, à un homme ignorant et pompeux qui ne sut ni déjouer la rancune de Philippe le Bel ni prévenir ses ambitions ni nous protéger du mal tant sa confiance en ce roi démoniaque fut absurde !
    — Qui était-ce, messire ?
    — Jacques de Molay… Mais dors, je t’en parlerai demain…
    Ogier croisa ses jambes lasses. Dormir… Le pourrait-il ? Son

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