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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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voyait tel qu’il était à l’âge mûr, quand cet homme portait le haubert et le heaume.
    — C’est un de nos Grands Maîtres, Bourguignon comme lui, Guillaume de Beaujeu, qui décida de la vocation de ce paon ! En fait, Molay voulait l’or et la renommée, et la croix du Temple lui permit si bien de se pousser vers le trône qu’il tint sur les fonts baptismaux Robert, le fils de Philippe IV [92] . Je le soupçonne, après quelques buveries, d’avoir fait au roi des confidences sur la fortune de l’Ordre…
    La voix du vieillard devint soudain sèche :
    — À la fin de 1292, la place de Grand Maître étant vacante, deux hommes proposèrent de l’occuper : Hugues de Peyraud soutenu par les électeurs du Limousin et de l’Auvergne, et Molay, qu’on savait ambitieux et inculte : il ne savait ni lire ni écrire. Voyant qu’il serait évincé, il feignit d’abdiquer ses prétentions et déclara à Eudes de Grandisson et quelques chevaliers des plus considérables qu’il voterait pour Peyraud [93] … Sur cette affirmation, il se vit confier l’office de Grand Prieur, qu’on créait en cette circonstance pour gouverner jusqu’à la prochaine élection… Alors, Molay changea de langage et somma l’assemblée de le nommer Grand Maître [94] … Un Grand Maître hautain, aimant à en imposer tant par la voix que par les habits et les armes… Quand nous revînmes de Chypre, en 1306…
    Enfin, le vieillard s’incorporait à son récit !
    — … Molay était décidé à faire impression sur le roi. Il venait de renoncer aux préparatifs d’un débarquement en Syrie : ce n’était pas un bataillard. Quelques frères l’avertirent que non seulement il allait se jeter dans la gueule du loup, mais encore que la pompe qu’il voulait déployer provoquerait l’envie et la haine du roi. «  On nous prétend très riches », dit à peu près Norbert de Giroussens. «  En le confirmant par un grand apparat, vous offenserez les créatures du roi et Philippe IV lui-même. Vous desservirez l’Ordre et aiguiserez contre lui des appétits insatiables ! » Molay se courrouça : « Ma joie est grande de revoir ce royaume, Giroussens. Aussi ne sévirai-je pas contre votre irrévérence ; mais désormais tenez-vous loin de moi ! » Or donc, ce ne fut nullement un vaincu de Terre Sainte qui revint en son pays mais un émir présomptueux de cet Orient détesté par l’Église, le roi, les nobles et le commun !… Pour qu’il allât devers le roi, il lui fallut soixante chevaliers parés, comme lui, de joyaux à faire pâlir les femmes, armés d’épées à prises et fourreaux d’or ; cent vingt sergents, autant de turcopoles [95] , des esclaves noirs portant des coffres et des coffrets de bois précieux ; douze sommiers – de beaux chevaux tout blancs chargés d’or et de gemmes. « Notre frère se prend pour la reine de Saba », me confia Norbert de Giroussens…
    Un soupir gonfla la poitrine du vieillard.
    — Nous n’étions pas des Francs, des Blancs revenant au pays, mais des Sarrasins insolents, et il paraît que nous voyant, Nogaret, l’âme damnée du roi, s’exclama : «  Sont-ce bien là les pauvres chevaliers du Christ ? » … Vois-tu, Ogier, le premier coup porté au Temple, ce fut Molay qui le donna !
    Le garçon n’acquiesça pas, il suivait une autre voie :
    — J’ai ouï dire que c’était pour préparer une nouvelle croisade que le pape Clément avait mandé le Grand Maître [96] …
    — Le seul désir que Sa Sainteté exprima fut de réunir sous une seule bannière toutes les religions militaires de Palestine sous le commandement d’un des fils de Philippe IV… Sans même chercher à gagner du temps, Molay refusa, offensant le Saint-Père… encore que cet homme-là fut plutôt malsain…
    Un rire compléta cette réflexion. Le mire demeura un moment silencieux, regardant droit devant lui, indifférent aux arbres, aux buissons, au ciel désormais azuré.
    — Molay apprit les accusations que Philippe s’apprêtait à porter contre l’Ordre. Il aurait dû l’aller trouver !… Il n’en fit rien. Que s’était-il passé entre eux pour que Philippe eût soudain contre nous une aussi puissante haine ?
    — Si Molay ne fit rien, c’est qu’il croyait l’Ordre invincible !
    — Je ne sais, Ogier. Je ne sais… Certains frères qui détestaient à juste raison le Grand Maître nous prévinrent que le roi préparait notre punition. Nous

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