Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
détestaient tout autant que vous !
    Un fol espoir traversa l’angoisse d’Ogier. Le mire l’anéantit d’un rire :
    — Ils devaient l’exécrer plus que moi, mais on la leur avait confiée comme un trésor : il importait de la préserver… Les clercs portaient d’autres croix ; ils formeraient le cercle autour de l’une d’elles pour leurrer les Mahomets acharnés à sa possession !
    — Et c’est ainsi qu’elle fut perdue.
    — D’une certaine façon.
    Le sourire glacé du mire disparut ; quelque chose de tendre anima sa face blême :
    — Elle n’avait jamais servi à rien, sinon qu’à encombrer les hommes d’armes !
    Ogier rougit sous un regard malicieux. Il avait besoin de toutes ses capacités de bienveillance, désormais, pour ne pas se regimber à chaque mot, voire à chaque sourire. Il reconnaissait en soi-même à Benoît Sirvin le droit et même la qualité de la sincérité. D’autres que lui, Argouges, eussent sans doute rompu l’entretien, mais il se sentait au fait de trop de mystères : sa soif d’apprendre le maintenait assis, attentif et presque respectueux !
    — Messire !… D’après ce que je sais par vos livres eux-mêmes – du moins ceux que vous m’avez prêtés –, cette Croix devant laquelle il se prosterna permit à Baudouin le Lépreux de vaincre Saladin à Montgisard !
    Le vieillard parut indifférent à cette véhémence. Son regard, clair sous les sourcils de neige, n’eut aucune expression. Il déclara d’une voix lointaine :
    — Toi qui te bats, crois-tu à ces gailles [85]  ? Tu étais à Crécy derrière l’oriflamme sacrée des rois de France. A-t-elle permis à Philippe de vaincre Édouard ?… Et ne penses-tu pas que si cette Croix possédait tant de vertus, elle eût guéri de sa lèpre Baudouin IV ? Il a pu se frotter contre elle comme un chat qui se mignote. Vainement !
    Ogier soupira. « Il ne cesse de me dominer ! » Il dit avec une débonnaireté fausse :
    — Il m’advient souvent d’invoquer Dieu, le Christ et les saints. Je me signe devant les croix et les églises…
    — Cela t’aide-t-il ? Nullement, car ce sont ton corps et ton esprit qui te viennent en aide… Nous parlions de guerre. Tu sais désormais que la victoire est loin d’être la conséquence du nombre et de l’armement, mais qu’elle dépend de l’endurance et de la forcennerie des hommes placés sous le commandement de maréchaux et capitaines aux sens rassis ! Croire à son roi, certes, mais surtout croire à son Ordre, croire à sa cause, voilà qui conforte et enflamme sans pourtant protéger de l’échec et de la honte de fléchir devant plus habile et plus vaillant que soi… Car ceux qui sont en face ont aussi leurs vertus !
    — J’en conviens… Je conviens même que la Croix est d’un appui secondaire… Si elle n’aide le corps, elle peut suppléer un courage amoindri…
    — Lorsque tu ne crois plus qu’aux plaisirs pernicieux, lorsque la luxure est reine, le stupre empereur et que le patriarche qui a la charge de cette Croix est l’être le plus dissolu de la terre, peux-tu avoir le goût de te battre ?… Et pourtant, nous nous sommes battus, bien battus… Je dis nous quand je parle du Temple…
    — Si Jésus, messire…
    — Quel Jésus ?
    La question était posée si froidement qu’Ogier en fut ébranlé. Vers quel abîme se laissait-il insensiblement entraîner ? On avait dit que les Templiers reniaient Jésus ; il en avait la preuve. Une angoisse nouvelle, ardente, le saisit ; sa gorge se noua. Il eût fallu s’arracher à ce muret, à cette présence tranquille et opiniâtre, enfourcher Marchegai et fuir. Impossible : Sirvin le tenait en haleine, et ce «  Quel Jésus ? » tisonnait sa curiosité.
    — Que voulez-vous dire, messire ? C’est pour lui qu’eurent lieu les croisades…
    — Ah ! les croisades… ou les croisières, comme on disait surtout… Pourquoi crois-tu que des milliers d’hommes y ont participé ? Jésus ? Que non !… Les uns avaient soif d’aventure, les autres imaginaient moult récompenses bienfaisantes à leur bourse plutôt qu’à leur esprit… sans oublier les pires malandrins que les promesses d’indulgences éhontées excitaient plus qu’une victoire sur les ennemis de la foi chrétienne. Des égorgeurs absous, des pillards réhabilités partirent en Orient commettre d’autres excès. Tous y rassasièrent leur cupidité, leur passion du sang… Belle

Weitere Kostenlose Bücher