Les Origines et la Jeunesse de Lamartine 1790-1812
daté de mars 1786, et voici ce qu'on y lit :
«...Il n'y a, après tout, qu'une seule chose de nécessaire : il n'est pas utile, en effet, que je me procure de la dissipation, que je prenne du plaisir, tout cela passe et ne fait pas le bonheur. Il n'est pas nécessaire que je plaise au monde, que je sois aimée et recherchée ; tout cela est une source de périls en tous genres, et les personnes qui se livrent le plus au monde et que le monde lui-même fête le plus sont souvent par la suite les plus malheureuses...»
Toute la vie de Mme de Lamartine peut se résumer par ces quelques lignes, écrites à quinze ans ; jusqu'à sa mort, ce fut une lutte perpétuelle et inquiète contre elle-même, où elle s'efforçait de réprimer ce qu'elle appelait «les choses inutiles», les tendances qui lui semblaient de nature à éloigner le but qu'elle s'était de tout temps fixé : la simplicité et la vérité.
Tel était l'état d'âme de la jeune fille au moment où elle abordait le mariage que lui avait prédit malicieusement Bonnard. On en connaît l'histoire romanesque.
À Salles, elle s'était liée avec Suzanne de Lamartine, comme elle pensionnaire du couvent. Le chevalier de Pratz qui, de Montceau ou de Mâcon, venait souvent voir sa sœur pendant ses congés, connut ainsi Mlle Des Roys, car le règlement n'interdisait pas les visites. Tous deux se plurent et le chevalier que l'on songeait à marier sollicita l'autorisation de sa famille. Le père, tout d'abord refusa, trouvant la dot insuffisante. Mais il avait compté sans le hasard et la persévérance des jeunes gens. Le 6 octobre 1789, jour où les Parisiens ramenèrent la famille royale dans sa capitale, Mme Des Roys et sa fille se trouvaient à Chatou.
Devant la foule ameutée, et les nouvelles qui leur parvinrent, les deux femmes prises de peur renoncèrent à regagner Paris et se décidèrent à rentrer à Lyon. En cours de route elles furent obligées, à la suite d'un accident de voiture que la jeune fille dut bénir toute sa vie, de s'arrêter à Mâcon. Suzanne de Lamartine prévenue, résolut alors d'arranger les choses qui traînaient depuis un an et annonça à son père que Mme Des Roys était de passage et apportait des nouvelles graves de Paris. Le moyen, pour François-Louis, de ne pas offrir une hospitalité provisoire aux deux femmes ? Elles demeurèrent chez lui vingt-quatre heures et, à leur départ, séduit sans doute par le charme de la jeune fille, il finit, comme dans un roman, par accorder son consentement au mariage.
Le 4 janvier 1790 enfin, le contrat fut signé à Lyon, et l'on y voit que les jeunes époux étaient plus riches de bonheur que d'argent : le chevalier avait l'usufruit de Milly jusqu'à la mort de son père, et c'était tout. Quant à Mlle Des Roys elle apportait, outre quelques bijoux et meubles, la somme de 50 000 francs, dont 20 000 assurés par un de ses oncles, et qui n'étaient pas encore versés en 1810 à la mort de celui-ci. Ainsi, les revenus du jeune ménage se montaient à une douzaine de mille francs, assez aléatoires d'ailleurs, puisqu'ils étaient uniquement basés sur les récoltes de Milly.
Le mariage fut célébré le 7 janvier 1790 ; aussitôt après, la jeune femme vint s'établir à Milly et de cette date jusqu'en 1808, elle connut une existence très différente.
La jeune mondaine d'autrefois habite maintenant un village obscur et sans horizon. Sa maison est petite, sa vie plus que simple, sa fortune médiocre.
Deux ans à peine après son mariage, son mari, ses beaux-frères et ses belles-sœurs sont emprisonnés et elle reste isolée avec deux enfants au berceau, près de ses beaux-parents. Puis, le calme rétabli et le chevalier rendu à la liberté, elle regagne avec lui leur petite campagne où ils s'installent définitivement.
Dès lors, elle devient entièrement la mère. Ses parents sont loin, les uns fidèlement attachés à la fortune des d'Orléans qu'ils accompagnent en exil, les autres réfugiés en Angleterre où ils végètent. Elle vivra seule à Milly, presque sans nouvelles d'eux. Son unique occupation va devenir l'éducation de ses enfants.
C'est dans ce rôle, surtout, qu'il est attachant de la suivre. De 1800 à 1808, son journal reflète profondément ses détresses, ses défaillances morales, et une analyse aiguë d'elle-même qu'elle pousse à un degré incroyable. Chaque soir, elle se scrute impitoyablement, examine et résume sa vie quotidienne, les soucis de la
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