Les Origines et la Jeunesse de Lamartine 1790-1812
à partir de 1805 pour aller passer l'hiver à Mâcon. C'était un bel homme, robuste et sain, qui ne dérogea pas à cette étonnante vitalité des Lamartine puisqu'il mourut presque centenaire.
Bourru d'apparence, il alliait des manières un peu rudes à une grande simplicité et à un cœur excellent. Fixé à la campagne d'abord par nécessité, il finit par s'y trouver bien et perdit vite le goût des villes ; pour lui faire acheter une maison à Mâcon, sa femme fut même obligée de plaider la cause de leurs filles qui, devenues grandes, avaient besoin d'une éducation moins villageoise. Jamais, on ne put vaincre dans sa famille cette horreur des cités bruyantes ; de 1792 à 1844, date de sa mort, il ne consentit qu'une fois à s'arracher à sa chère solitude pour aller en 1814 présenter à Louis XVIII les hommages de la ville et poursuivre avec opiniâtreté la croix de Saint-Louis, unique ambition de cette âme fidèle aux Bourbons. Après quoi, satisfait, il rentra à Milly sans vouloir jamais retourner à Paris par la suite, même au plus fort des triomphes poétiques et politiques de son fils.
Au fond, il aimait la vie simple, la campagne et ses plaisirs, chasse, pêche, cheval, se levait et se couchait tôt, lisait peu. Son seul souci fut l'entretien et l'embellissement de ses vignes, il courait lui-même les marchés vendre son vin et ses récoltes et choisir soigneusement ses bestiaux. Pour le reste, il s'en remettait entièrement à sa femme et à son frère, surtout en ce qui concernait son fils dont l'âme tourmentée et insatisfaite lui échappait complètement. On chercherait en vain quelle influence il put avoir sur les destinées et l'éducation du poète. Volontairement, il se tint toujours à l'écart, se contenta d'approuver les décisions du chef de famille, lassé, surtout après 1810, de cette détresse morale et de cette nature hésitante qui cadrait si mal avec son propre tempérament et dont il ne comprendra que beaucoup plus tard les mobiles secrets.
Mais la mère sera là pour atténuer les froissements entre ces deux caractères si différents.
CHAPITRE II - LA MÈRE
En oubliant l'image que Lamartine a tracée de sa mère et en ne l'étudiant qu'à travers son journal, ses lettres et les témoignages de ceux qui l'ont connue, on peut arriver à préciser cette figure que le poète, dans son pieux amour, s'est appliqué à idéaliser et à rendre presque immatérielle.
Mme de Lamartine fut une femme simple, bonne, aimante, et profondément religieuse ; sa vie se sépare en quatre périodes inégalement remplies de joies et de douleurs. La première s'étend de sa jeunesse à son mariage ; la seconde de son mariage à la majorité de son fils ; la troisième de 1811 aux Méditations ; la dernière de 1820 à sa mort survenue en 1829. Ainsi, chacune de ces étapes est liée à quelque grand événement de la vie de son fils : c'est que son premier-né demeura toujours le plus aimé ; elle le voyait différent des autres et réservait pour lui le meilleur de sa tendresse.
Elle était née à Lyon le 8 novembre 1770, et sa première enfance avait été confiée à sa grand'mère paternelle, car son père, en incessantes tournées d'inspections, et sa mère, retenue au Palais-Royal par ses fonctions, n'habitèrent Lyon qu'à de rares intervalles. À dix ans, Mme Des Roys la garda quelque temps près d'elle à Paris où la petite Alix devint la compagne de jeux du futur Louis-Philippe ; puis quatre ans plus tard, redoutant qu'elle fût trop mêlée au monde de la cour, elle obtint du duc d'Orléans des lettres d'admission pour elle au chapitre noble de Saint-Martin de Salles, en Beaujolais, où sa fille aînée, Césarine, se trouvait déjà. Salles, situé à quelques kilomètres de Villefranche-sur-Saône, fut primitivement un prieuré dépendant de l'abbaye de Cluny. À la fin du xiiie siècle des Bénédictins s'y installèrent, et en 1782 le prieuré fut, par lettres royales, déclaré chapitre noble, c'est-à-dire que, pour y être admises, les religieuses devaient faire preuves d'au moins quatre quartiers du côté maternel et de six du côté paternel.
Lorsque Mlle Des Roys entra à Salles, le couvent était devenu une de ces institutions mi-mondaines, mi-religieuses de l'ancien régime, où les jeunes filles achevaient leur éducation. La vie qu'on y menait n'avait rien d'austère, puisque chaque élève y possédait une petite habitation et un jardinet qu'elle
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