Les Piliers de la Terre
découvrit Philip dans le passage entre le réfectoire et
le dortoir. Assis, l’air abasourdi, mais indemne. Tom aida le prieur à se
relever.
« Quelque
chose m’a heurté la tête », dit-il en vacillant sur ses jambes.
Tom
regarda derrière lui. Le transept sud s’était effondré sur le cloître.
« Vous avez de la chance d’être en vie, dit Tom. Dieu doit avoir de grands
desseins pour vous. »
Philip
secoua la tête pour s’éclaircir les idées. « J’ai perdu connaissance un
moment, mais à présent je vais bien. Où sont les livres ?
— On
les a emportés à l’hôtellerie.
— Retournons
là-bas. »
Tom prit
le bras de Philip. Quoique ne souffrant pas de graves blessures, le prieur
était bouleversé.
Le temps
qu’ils reviennent à l’hôtellerie, l’incendie de l’église avait atteint son
apogée et les flammes diminuaient ; Tom, néanmoins, distinguait clairement
les visages des gens et il s’aperçut, stupéfait, que c’était l’aube.
Philip
commença à réorganiser la vie au monastère. Il demanda à Milius le cuisinier de
faire du porridge pour tout le monde et autorisa Cuthbert le Chenu à ouvrir un
tonneau de vin fort pour qu’on se réchauffe en attendant. Il ordonna d’allumer
du feu dans l’hôtellerie pour mettre les plus âgés des moines à l’abri du
froid. Poussés par le vent, des rideaux de pluie glacée commencèrent à éteindre
les flammes.
Quand tout
le monde fut de nouveau au travail, le prieur Philip s’éloigna seul de
l’hôtellerie et se dirigea vers l’église. Tom l’aperçut et lui emboîta le pas.
C’était maintenant sa chance. S’il menait bien son affaire, il pourrait
travailler ici pendant des années.
Philip
contemplait, immobile, ce qui avait été le côté ouest de l’église. Il secouait
tristement la tête comme devant les ruines de sa propre vie. Debout auprès de
lui, Tom gardait le silence. Puis Philip repartit, le long de la façade nord de
la nef en traversant le cimetière. Tom l’accompagna pour inspecter les dégâts.
Le mur
nord de la nef était encore debout, mais le transept et une partie de la paroi
du chœur s’étaient écroulés. L’église possédait encore une façade à l’est. Ils
la contournèrent pour examiner le côté sud. Presque tout le mur s’était écroulé
avec le transept effondré sur le cloître. La salle du chapitre demeurait encore
debout.
Ils
continuèrent jusqu’à l’arche qui menait à l’allée est du cloître. Là, ils
furent arrêtés par l’entassement des décombres. Les dégâts semblaient
terribles, mais l’œil exercé de Tom voyait que les allées du cloître n’étaient
pas gravement endommagées, simplement encombrés de ruines. Il grimpa par-dessus
les pierres brisées jusqu’au moment où il put regarder l’intérieur de l’église.
Derrière l’autel, un escalier à demi dissimulé descendait dans la crypte. La
crypte elle-même se trouvait sous le chœur. Tom inspecta les dalles du sol
au-dessus de la crypte à la recherche des fêlures : il n’en vit aucune. Il
y avait de bonnes chances pour que la crypte fût intacte. Il ne le dirait pas
tout de suite à Philip : il garderait cette nouvelle pour un moment
crucial.
Philip
avait poursuivi sa marche en passant derrière le dortoir. Tom hâta le pas pour
le rattraper. Ils trouvèrent le dortoir intact. En continuant, ils constatèrent
que les autres bâtiments du monastère étaient plus ou moins indemnes : le
réfectoire, la cuisine, la boulangerie et la brasserie. Philip aurait pu
trouver là quelque consolation, mais son visage restait sombre.
Ils
terminèrent là où ils avaient commencé, devant la façade ouest en ruine, ayant
fait tout le tour de l’enceinte du prieuré sans échanger un mot. Philip poussa
un gros soupir et rompit le silence. « C’est l’œuvre du diable »,
dit-il.
Voilà mon
heure, pensa Tom qui prit une profonde inspiration : « Ce pourrait
être l’œuvre de Dieu. »
Philip le
regarda d’un air surpris. « Comment ça ?
— Personne
n’a été blessé, dit prudemment Tom. Les livres, le trésor et les ossements du
saint ont été sauvés. Seule l’église a été détruite. Peut-être Dieu voulait-il
une nouvelle église. »
Philip eut
un sourire sceptique : « Et j’imagine que Dieu voulait que Tom en fût
le bâtisseur. » Il n’était pas assez assommé pour ne pas comprendre le
côté intéressé des pensées de Tom.
Tom ne se
laissa pas
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