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Les Piliers de la Terre

Les Piliers de la Terre

Titel: Les Piliers de la Terre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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de toutes formes et de
toutes tailles, les unes en bois, les autres en pierre, chacune desservant sa
propre petite paroisse. La cité devait être riche pour entretenir autant de
prêtres.
    Dans la
rue des Bouchers, il fut pris d’un léger malaise. Il n’avait jamais vu une
telle quantité de viande crue. Le sang ruisselait des étals des bouchers dans
la rue et de gros rats se faufilaient entre les pieds des clients.
    L’extrémité
de la rue des Bouchers s’ouvrait, au milieu de la grand-rue, en face du vieux
palais royal. L’édifice n’était plus utilisé par les rois depuis que le nouveau
donjon avait été construit au château, avait-on expliqué à Philip, mais les
argentiers royaux battaient encore monnaie et frappaient des pennies d’argent
dans le magasin du bâtiment, à l’abri des murs épais et des grilles de fer.
Philip s’arrêta un moment, regardant les étincelles jaillir tandis que les
marteaux frappaient les coins, impressionné par toute cette richesse étalée
sous ses yeux.
    Un groupe
de badauds observait comme lui ce spectacle. C’était manifestement une
curiosité que venaient voir tous les gens de passage. Une jeune femme, non loin
de lui, sourit à Philip qui lui rendit son sourire. Elle dit : « Tu
peux faire tout ce que tu veux pour un penny. » Il se demanda ce qu’elle
voulait et lui fit de nouveau un vague sourire. Elle entrouvrit alors son
manteau et il constata avec horreur que, dessous, elle était complètement nue.
« Tout ce que tu veux pour un penny d’argent », répéta-t-elle.
    Il sentit
un vague élan de désir, comme le fantôme d’un souvenir depuis longtemps
enfoui : c’était une prostituée. Il se sentit rougir. Il s’empressa de
faire demi-tour et s’éloigna à grands pas. « N’aie pas peur, cria-t-elle.
J’aime bien les belles têtes rondes. » Son rire moqueur le suivit
longtemps.
    Pour lui
échapper, il prit une ruelle qui donnait sur la grand-rue et se trouva sur la
place du marché. On apercevait les tours de la cathédrale qui s’élevaient
au-dessus des échoppes. Il se fraya un chemin parmi la foule sans écouter les
boniments des vendeurs et regagna l’enclos du couvent.
    Le calme
ordonné du monastère lui fit l’effet d’une brise fraîche. Il s’arrêta au
cimetière pour remettre de l’ordre dans ses pensées. Il se sentait honteux et
scandalisé. Comment cette femme osait-elle tenter un homme en robe de
moine ? Elle avait de toute évidence reconnu en lui un visiteur… Était-ce
possible que des moines éloignés de leur monastère fussent ses clients ?
Bien sûr, se dit-il. Les moines commettaient les mêmes péchés que les gens
ordinaires. C’était le manque de vergogne de cette femme qui l’avait choqué. Le
spectacle de sa nudité restait dans son esprit comme la flamme d’une chandelle
qu’on a contemplée quelques instants continue à brûler derrière les paupières
closes.
    Il
soupira. La matinée lui avait réservé un défilé d’images étonnantes ! Les
rigoles creusées par la main de l’homme, les rats aux étals des boucheries, les
piles de pièces de monnaie nouvellement frappées et la nudité de cette femme.
Pendant quelque temps, il le savait, ces images reviendraient hanter ses
méditations.
    Il entra
dans la cathédrale. Il se sentait trop impur pour s’agenouiller et prier, il se
contenta donc de descendre la nef et de sortir par la porte sud. Il passa par
le prieuré et se rendit au palais de l’évêque.
    Le
rez-de-chaussée était une chapelle. Philip gravit l’escalier qui menait au vestibule
et entra. Il y avait près de la porte un petit groupe de domestiques et de
jeunes ecclésiastiques, debout ou assis sur le banc contre le mur. Tout au bout
de la pièce, Waleran et l’évêque Henry étaient à une table. Un intendant arrêta
Philip : « Les évêques déjeunent.
    — Je
vais les rejoindre à table, annonça Philip.
    — Vous
feriez mieux d’attendre », dit l’intendant.
    Philip
jugea que l’intendant l’avait pris pour un simple moine.
    « Je
suis le prieur de Kings-bridge », déclara-t-il.
    L’intendant
haussa les épaules et s’écarta.
    Philip
s’approcha de la table. L’évêque Henry présidait, Waleran se trouvait à sa
droite. Henry était un homme trapu, aux épaules larges, avec un visage
agressif. Il avait à peu près le même âge que Waleran, un an ou deux de plus que
Philip ; mais pas plus de trente ans. Par contraste avec la peau

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