Les Piliers de la Terre
Ranulf ni pourquoi le roi voulait le voir, mais
il eut l’impression que, bien que Stephen fût mécontent, il n’envisageait pas
sérieusement la mutilation de ce pauvre homme.
Sans
laisser le temps à Philip de poursuivre ces réflexions, Waleran s’avança et
s’inclina. « Tu te souviens de Waleran Bigod, le nouvel évêque de
Kings-bridge, dit Henry.
— Oui,
répondit Stephen. Et lui, qui est-ce ? »
— C’est
mon prieur », répondit Waleran.
Une fois
de plus, Philip dut se présenter lui-même.
« Philip
de Gwynedd, prieur de Kings-bridge. » Il s’était exprimé d’une voix plus
forte que prévu.
« Avancez,
père prieur, dit le roi. Vous semblez mal à l’aise. Quelque chose vous préoccupe ? »
Que
répondre ? Tant de choses le préoccupaient en effet. Se jetant à l’eau, il
murmura : « Je suis préoccupé parce que je n’ai pas de robe
propre. »
Stephen
éclata de rire gaiement. « Alors, cessez de vous inquiéter », dit-il.
Avec un coup d’œil à son élégant frère, il ajouta : « J’aime qu’un
moine ait l’air d’un moine et non d’un roi. »
Philip
respira.
« On
m’a parlé de l’incendie, reprit Stephen. Comment vivez-vous ?
— Le
jour de l’incendie, répondit Philip, Dieu nous a envoyé un bâtisseur. Il a très
vite réparé le cloître et nous utilisons la crypte pour l’office. Avec son
aide, nous déblayons les ruines pour pouvoir rebâtir ; il a déjà dessiné
les plans d’une nouvelle église. »
Waleran
haussa les sourcils : il n’était pas au courant des plans. Pourtant,
Philip lui en aurait parlé s’il l’avait demandé. « Voilà une louable
promptitude. Quand commencez-vous à bâtir ?
— Dès
que je trouverai l’argent. »
L’évêque
Henry intervint : « C’est pourquoi je t’ai amené le prieur Philip et
l’évêque Waleran. Ni le prieuré ni le diocèse n’ont les ressources pour
financer un projet de cette importance.
— Ni
la couronne, mon cher frère », ajouta Stephen. Philip accusa le
coup : l’affaire s’engageait mal.
« Je
sais, dit Henry. C’est pourquoi j’ai cherché un moyen pour reconstruire
Kings-bridge sans qu’il t’en coûte rien. »
Stephen
sourit, sceptique : « Tu as donc conçu un plan ingénieux, pour ne pas
dire magique ?
— Oui.
Je te suggère d’offrir au diocèse les terres du comte de Shiring, qui
financeront le programme de reconstruction. »
Philip
retint son souffle.
Le roi
réfléchissait. Waleran ouvrit la bouche pour parler, mais d’un geste Henry lui
imposa le silence.
« C’est
une idée habile, dit enfin le roi. J’aimerais bien la réaliser. »
Le cœur de
Philip bondit dans sa poitrine.
« Malheureusement,
continua Stephen, j’ai presque promis le comté à Percy Hamleigh. »
Philip ne
put retenir un gémissement. La déception le blessait comme un coup de couteau.
Henry et
Waleran, abasourdis, restaient muets. Henry fut le premier à reprendre la
parole. « Presque ? » répéta-t-il.
Le roi
haussa les épaules. « Je pourrais me dégager, non sans un considérable
embarras, évidemment. Après tout, c’est Percy qui a livré le traître
Bartholomew à la justice.
— Pas
sans aide, monseigneur ! s’écria Waleran.
— Je
sais que vous avez joué un rôle dans cette affaire…
— C’est
moi qui ai informé Percy Hamleigh du complot monté contre vous.
— Oui.
A propos, comment l’avez-vous appris vous-même ? » Philip se
dandinait d’un pied sur l’autre. Le terrain devenait dangereux. Personne ne
devait savoir que le renseignement provenait de son frère Francis, car Francis
travaillait toujours pour Robert de Gloucester, à qui on avait tout juste
pardonné son rôle dans la conjuration.
« Par
la confession d’un mourant », expliqua Waleran.
Philip
poussa un soupir de soulagement. Waleran répétait le mensonge que Philip lui
avait soufflé, comme si la « confession » lui avait été faite à lui
et non à Philip. Le prieur était trop content de voir l’attention se détourner du
rôle qu’il avait joué pour relever l’inexactitude.
« Quand
même, reprit le roi, c’est Percy, pas vous, qui a attaqué le château de
Bartholomew au péril de sa vie, et qui a arrêté le traître.
— Tu
pourrais récompenser Percy autrement, suggéra Henry.
— Ce
que Percy veut, dit le roi, c’est Shiring. Il connaît la région. Il la
gouvernera bien. Je pourrais lui donner le
Weitere Kostenlose Bücher