Les Piliers de la Terre
sans
même l’avoir aperçue était insupportable. Quand enfin elle apparaissait, la
gorge de William se desséchait, son cœur se mettait à battre plus vite et les
paumes de ses mains devenaient moites. Souvent, son frère l’accompagnait ou cet
intendant efféminé, mais quelquefois elle était seule. Un après-midi d’été,
alors qu’il l’attendait depuis le matin, elle était allée jusqu’au puits, avait
tiré de l’eau et ôté ses vêtements pour faire sa toilette. Le seul souvenir de
ce spectacle suffisait à l’enflammer. Elle avait des seins remplis et fiers qui
s’agitaient de façon insolente lorsqu’elle levait les bras pour se savonner les
cheveux. Ses bouts de seins s’étaient hérissés de manière délicieuse sous
l’action de l’eau froide. Elle avait en haut des jambes une toison brune et
bouclée étonnamment touffue et, quand elle s’était lavée là, en se frictionnant
vigoureusement avec du savon, William avait perdu tout contrôle et souillé ses
vêtements.
Rien
d’aussi agréable ne lui était arrivé depuis lors et l’hiver empêchait
certainement la jeune fille de se laver dehors, mais il avait connu des
plaisirs de moindre importance. Parfois elle chantait ou même parlait toute
seule. William l’avait vue se tresser les cheveux, danser et poursuivre des
pigeons sur les remparts comme une enfant. Cette observation secrète donnait à
William un sentiment de puissance absolument délicieux.
Pour
l’instant, elle ne sortirait pas tant que l’évêque et le moine seraient là. Par
bonheur, ils ne restèrent pas longtemps. Ils quittèrent enfin les créneaux très
rapidement et, quelques instants plus tard, leurs accompagnateurs et eux
s’éloignaient du château. Étaient-ils venus rien que pour admirer la vue du
haut des créneaux ? Ils avaient dû être déçus par le temps.
L’intendant
était sorti un peu plus tôt chercher du bois pour le feu, juste avant l’arrivée
des visiteurs. Il allait bientôt reparaître pour aller prendre de l’eau au
puits. Plus tard dans la journée, l’intendant sortait, emmenant parfois le
jeune garçon avec lui. Quand ils étaient partis, Aliena ne tardait guère.
Lorsque l’attente se faisait trop longue, William se la représentait à sa
toilette. Le souvenir était presque aussi bon que la réalité. Mais,
aujourd’hui, il était énervé. La visite de l’évêque et du prieur avait gâché
son plaisir. Jusqu’à ce jour, le château et ses trois occupants baignaient dans
une atmosphère enchantée, mais l’intrusion de ces trois créatures si peu
magiques sur leurs chevaux crottés avait rompu le charme.
Il
réfléchit aux raisons possibles de leur présence, sans grand résultat.
Quelqu’un saurait peut-être les deviner : sa mère. Il décida d’abandonner
Aliena pour ce jour-là et de rentrer chez lui raconter ce qu’il avait vu.
Ils
arrivèrent à Winchester le second jour, à la tombée de la nuit. Ils entrèrent
par la porte du roi, dans le mur sud de la ville, et se dirigèrent aussitôt
vers l’enceinte de la cathédrale. Là, ils se séparèrent. Waleran se rendit à la
résidence de l’évêque de Winchester, un palais qui jouxtait la cathédrale.
Philip s’en fut présenter ses respects au prieur et quémander un matelas dans
le dortoir des moines.
Après
trois jours passés sur la route, Philip trouva le calme et la paix du monastère
aussi rafraîchissants qu’une fontaine par un jour brûlant. Le prieur de
Winchester – un brave homme un peu dodu, à la peau rosée et aux cheveux blancs
– invita Philip à souper avec lui dans sa maison. Pendant le repas, ils
parlèrent de leurs évêques respectifs. Le prieur de Winchester, de toute
évidence très respectueux de l’évêque Henry, lui était complètement soumis.
Philip en conclut qu’on ne gagnait rien à se quereller avec son évêque
lorsqu’il était aussi riche et puissant que Henry. Philip tout de même n’avait
pas l’intention de l’imiter à ce point.
Il dormit
comme une souche et se leva à minuit pour matines.
Ce fut
lors de sa première visite à la cathédrale de Winchester qu’il commença à se
sentir intimidé.
Le prieur
lui avait dit qu’il s’agissait de la plus grande église du monde. En effet.
Elle avait plus de cent toises de long : Philip connaissait des villages
qui auraient pu tenir à l’intérieur. Elle possédait deux grandes tours, l’une
au-dessus de la croisée et l’autre à
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