Les Piliers de la Terre
Richard. Meg, à Winchester. »
Il avait
raison. Meg faisait le commerce de la laine, bien qu’elle n’eût jamais appris
le métier. « Meg a un étal au marché. » Ils repassaient devant le
paysan roux qui leur avait indiqué leur chemin. Ses quatre moutons tondus
paissaient dans le champ et il était en train de nouer des ballots de leur toison
avec une corde de roseau. Il leva les yeux de son travail et leur fit un signe.
Il allait bientôt apporter sa laine en ville et la livrer aux marchands. Des
marchands avec pignon sur rue… ou pas ?
Une idée
se formait dans l’esprit d’Aliena.
Elle se
retourna brusquement.
« Où
vas-tu ? » dit Richard.
Trop
excitée pour lui répondre, elle s’appuya à la barrière de la cour.
« Combien avez-vous dit que vous comptiez tirer de votre laine ?
demanda-t-elle au berger.
— Un
penny la toison, répéta-t-il.
— Mais
vous perdrez votre journée en voyage d’ici à Gloucester et retour.
— C’est
vrai, malheureusement.
— Si
j’achetais votre laine, moi ? Ça vous éviterait le déplacement.
— Aliena !
intervint Richard. Nous n’avons pas besoin de laine !
— Tais-toi,
Richard. » Avant d’expliquer son idée à son frère, elle voulait l’essayer
sur le paysan.
« Ce
serait bien obligeant, dit le paysan d’un air méfiant.
— Seulement,
je ne pourrais pas vous offrir un penny la toison.
— Ah !
ah ! Je pensais bien qu’il y avait un hic.
— Je
pourrais vous donner deux pence pour quatre toisons.
— Comment !
Elles valent un penny chacune ! protesta-t-il.
— A
Gloucester. Nous sommes à Huntleigh. »
Il secoua
la tête. « Je préfère perdre une journée aux champs et gagner mes quatre
pence plutôt que de gagner une journée et perdre deux pence.
— Si
je vous offre trois pence pour quatre toisons ?
— Je
perds un penny.
— Mais
vous économisez une journée de voyage. »
Le paysan
roulait des yeux ahuris. « Je n’ai jamais rien entendu de pareil.
— C’est
comme si j’étais charretier et que vous me donniez un penny pour livrer votre
laine au marché. » Elle trouvait la lenteur du paysan exaspérante.
« Le problème est de savoir si une journée de plus aux champs vaut pour
vous un penny ou non ?
— Ça
dépend de ce que je fais de la journée, dit-il d’un ton songeur.
— Aliena,
intervint Richard, qu’allons-nous faire de quatre toisons ?
— Les
vendre à Meg, évidemment, répondit-elle en haussant les épaules. Un penny
chacune. Ainsi nous aurons gagné un penny.
— Il
faudra faire tout le chemin jusqu’à Winchester pour un penny ?
— Idiot !
Nous achèterons de la laine à cinquante paysans et nous emporterons le tout à
Winchester. Tu ne comprends pas ? Nous gagnerions cinquante pennies !
De quoi nous nourrir et économiser pour t’acheter un bon cheval ! »
Elle se
retourna vers le paysan. Perplexe, il se grattait la tête. Aliena priait le
ciel intérieurement de l’aider à convaincre cet homme d’accepter son offre. Ce
serait la première étape vers l’accomplissement du vœu qu’elle avait fait à son
père. Mais que les paysans étaient entêtés ! Elle mourait d’envie de le
secouer par le collet. Au lieu de cela, elle plongea la main dans son manteau
et fouilla dans sa bourse, où s’entassaient les pence d’argent qu’ils s’étaient
procurés en échange des besants d’or. Elle montra trois pièces au paysan.
« Tenez,
dit-elle. C’est à prendre ou à laisser. »
La vue de
l’argent emporta la décision. « Marché conclu », dit-il en empochant
l’argent.
Aliena
sourit. Elle avait trouvé la solution.
Cette
nuit-là, elle utilisa comme oreiller une toison roulée en boule. L’odeur du
mouton lui rappela la maison de Meg.
Le
lendemain matin, elle eut la preuve qu’elle n’était pas enceinte.
Les choses
s’arrangeaient.
Quatre
semaines après Pâques, Aliena et Richard entraient à Winchester aux côtés d’un
vieux cheval tirant une charrette improvisée. Dedans un énorme sac contenait
deux cent quarante toisons, le chiffre exact que représentait un sac de laine
normal.
Ce fut
alors qu’ils découvrirent l’existence des taxes. Jusque-là, ils étaient
toujours entrés dans la ville sans attirer l’attention, mais cette fois ils
comprirent pourquoi les portes de la cité étaient étroites et constamment
gardées par des agents des douanes. Chaque chargement qui entrait à Winchester
devait
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