Les Piliers de la Terre
avec le moulin pour que vous fouliez votre tissu,
continua-t-il. J’étais si content de pouvoir vous aider. Vous étiez folle de
joie. Nous nous sommes embrassés encore, mais ce n’était pas un petit baiser,
comme le premier. Celui-là était… passionné. » Oh ! Dieu, oui, il
l’était, songea-t-elle. Son souffle s’accéléra ; elle aurait voulu qu’il
se taise, mais il insistait. « Nous nous sommes serrés très fort. Nous
nous sommes embrassés un long moment. Vous avez ouvert les lèvres…
— Arrêtez !
cria-t-elle.
— Pourquoi ?
fit-il brutalement. Où est le mal ? Pourquoi avez-vous changé après ?
— Parce
que j’ai eu peur ! » dit-elle spontanément et elle éclata en
sanglots, le visage enfoui dans les mains. Elle sentit que Jack enlaçait ses
épaules secouées de sanglots. Elle ne protesta pas, alors il la prit doucement
dans ses bras. Elle inclina son front contre la tunique de Jack, puis passa les
bras autour de sa taille.
Jack posa
ses lèvres sur les cheveux d’Aliena – de vilains cheveux, courts et hirsutes,
qui n’avaient pas encore repoussé après l’incendie – et il la caressa comme un
enfant qu’on console. Elle aurait voulu rester là pour toujours. Mais il
l’écarta pour pouvoir la regarder. « Pourquoi avez-vous peur ? »
La raison,
elle ne pouvait pas la lui révéler. Elle secoua la tête et fit un pas en
arrière ; mais il la retint par les poignets, pour la garder près de lui.
« Écoutez,
Aliena, dit-il. Je veux que vous sachiez combien ces derniers temps ont été
durs pour moi. Vous paraissiez m’aimer, puis soudain me détester, et maintenant
vous allez épouser mon beau-frère. Je ne comprends pas. Je ne comprends rien à
ces choses-là, je n’ai jamais été amoureux avant vous. Tout est si douloureux…
Je n’arrive pas à trouver les mots pour l’exprimer. Vous devriez au moins
essayer de m’expliquer pourquoi il faut que je subisse tout cela ? »
Aliena non
plus ne trouvait pas les mots. Dire qu’elle lui avait fait tant de mal alors
qu’elle l’aimait si fort ! Elle avait honte de la façon dont elle l’avait
traité, lui qui n’avait eu que des bontés pour elle. Elle avait gâché sa vie.
Oui, il avait droit à une explication. Elle se raidit. « Jack, il m’est
arrivé quelque chose voilà longtemps. Quelque chose de vraiment horrible,
quelque chose que je me suis efforcée d’oublier pendant des années. Je ne
voulais plus y penser, mais quand vous m’avez embrassée dans le moulin, le
passé m’est revenu et je n’ai pas pu le supporter.
— Qu’est-ce
que c’était ? Qu’est-ce qui vous est arrivé ?
— Après
l’emprisonnement du comte mon père, nous avons vécu au château, Richard et moi,
seuls avec un intendant du nom de Matthew. Une nuit, William Hamleigh est
arrivé et nous a jetés dehors. »
Jack
plissa les yeux. « Et alors ?
— Il
a tué le pauvre Matthew. »
Il savait
qu’elle dissimulait quelque chose. « Pourquoi ? demanda-t-il.
— Que
voulez-vous dire ?
— Pourquoi
ont-ils tué votre intendant ?
— Parce
qu’il voulait les empêcher… » Les larmes ruisselaient sur son visage et
elle se sentait la gorge si serrée qu’elle pouvait à peine parler, comme si les
mots l’étranglaient. Elle secoua désespérément la tête et essaya de se dégager,
mais Jack ne la lâchait pas.
D’une voix
douce comme un baiser, il reprit : « Les empêcher de faire
quoi ? »
Tout à
coup, son secret lui échappa et déferla comme un torrent. « Ils m’ont
forcée, fit-elle. Le valet de William me maintenait et lui s’est allongé sur
moi. Je me débattais, alors ils ont coupé un bout de l’oreille de Richard en
disant qu’ils continueraient si je ne cédais pas. » Elle sanglotait
maintenant, soulagée au-delà de toute expression de pouvoir enfin en parler.
Elle regarda Jack dans les yeux, mettant toute sa confiance en lui, avoua ce
qui la minait depuis si longtemps. « Alors, j’ai écarté les jambes et
William m’a violée pendant que le valet obligeait Richard à regarder.
— Je
suis désolé, murmura Jack. J’avais entendu des rumeurs, mais je n’avais jamais
pensé… Aliena chérie, comment ont-ils pu ? »
Elle ne
pouvait plus s’arrêter. « Et puis, quand William en a eu fini, ça a été le
tour du valet. »
Jack ferma
les yeux. Son visage était pâle et tendu.
Aliena
poursuivit : « Alors, vous comprenez, quand nous nous
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