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Les Piliers de la Terre

Les Piliers de la Terre

Titel: Les Piliers de la Terre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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ni
l’anglais ni le latin, il n’avait aucune idée de l’endroit où il était. Il a travaillé
aux écuries environ un an… C’est là que je l’ai rencontré. » La mélancolie
adoucit sa voix. « Je l’ai aimé dès l’instant où j’ai posé les yeux sur
lui. Il était si doux, il avait l’air si effrayé et si malheureux ;
pourtant il chantait comme un oiseau. Personne ne lui avait parlé depuis des
mois. Il était si content quand j’ai dit quelques mots en français que je crois
qu’il est tombé amoureux de moi rien que pour ça. » Sa voix vibra de
nouveau. « Au bout d’un certain temps, on l’a enfermé dans cette cellule.
C’est alors que j’ai découvert un moyen d’y entrer. »
    Jack ne
put s’empêcher de penser qu’il avait dû être conçu ici même, sur ces dalles
froides. Cette idée le gênait tellement qu’il bénit l’obscurité qui les
empêchait de se voir, sa mère et lui. « Tout de même, demanda-t-il, mon
père avait dû faire quelque chose qui justifie son arrestation ?
    — Il
n’a jamais su quoi. D’ailleurs, pour finir, on a machiné un crime. Quelqu’un
lui a donné une coupe incrustée de joyaux en lui disant qu’il pouvait s’en
aller. Une demi-lieue plus loin, il était arrêté et accusé d’avoir volé la
coupe. On l’a pendu. » Elle se mit à sangloter.
    « Qui
est responsable du jugement ?
    — Le
shérif de Shiring, le prieur de Kingsbridge… Peu importe !
    — Et
la famille de mon père ? Il devait avoir des parents, des frères et des
sœurs…
    — Oui,
il avait une grande famille, là-bas en France.
    — Pourquoi
ne s’est-il pas échappé pour retourner auprès d’eux ?
    — Il
a essayé une fois. On l’a repris et ramené. C’est là qu’on l’a mis au cachot.
Bien sûr, il aurait pu profiter de ma découverte pour s’enfuir d’ici, mais il
ne savait pas comment rentrer chez lui, il ne parlait pas un mot d’anglais et
il était sans un sou. Ses chances semblaient trop minces. Malgré tout, il
aurait dû le faire, étant donné ce qui est arrivé ensuite. Mais sur le moment,
nous n’avons jamais supposé qu’on le pendrait. »
    Jack prit
Ellen dans ses bras. Elle était toute mouillée et frissonnait. Elle devait
absolument ressortir et aller se sécher. Avec un coup au cœur, il se rendit
compte que, si elle pouvait sortir, lui aussi. Son souhait était exaucé :
il pourrait parler à Aliena avant son mariage ! « Montre-moi le
chemin », dit-il brusquement.
    Elle sécha
ses larmes. « Tiens mon bras, je vais te guider. »
    Il sentit
qu’elle se penchait. « Laisse-toi descendre dans le conduit, dit-elle.
Respire un grand coup et plonge sous l’eau. Attention : va bien à
contre-courant, sinon tu te retrouveras dans la latrine des moines. Même si tu
as du mal à garder ta respiration, reste calme et continue d’avancer. Tu t’en
tireras. » Elle descendit encore un peu et il perdit contact. A son tour
il se glissa dans le trou. Ses pieds touchèrent l’eau. Quand ils se posèrent
sur le fond de la canalisation, ses épaules étaient encore dans la cellule.
Avant de disparaître, il tira la dalle et la remit en place, songeant avec
malice que les moines seraient bien intrigués lorsqu’ils découvriraient la
cellule vide.
    L’eau
était glacée. Il prit une profonde inspiration, s’accroupit sous l’eau et
avança contre le courant. Il allait aussi vite qu’il le pouvait. Tout en
progressant, il se représentait les bâtiments qui défilaient au-dessus de lui.
Il passait sous le couloir, puis le réfectoire, la cuisine et la boulangerie.
Par l’extérieur, ce n’était pas loin, mais dans ce conduit d’eau, le trajet lui
parut durer une éternité. Il eut le réflexe de faire surface mais sa tête
heurta la voûte du tunnel. Un tourbillon de panique l’étourdit et il se rappela
que sa mère l’avait prévenu. Il était presque au bout. En effet, il distingua
devant lui un halo lumineux. Le jour se levait. Il avança, à bout de souffle,
jusqu’à la lumière, puis il se redressa et aspira goulûment l’air frais. Quand
il eut retrouvé son calme, il se hissa hors du fossé.
    Sa mère
s’était déjà changée. Elle avait apporté des habits secs pour lui aussi. Bien
pliés sur la berge s’alignaient des vêtements qu’il n’avait plus portés depuis
six mois : une chemise de toile, une tunique de laine verte, des chausses
grises et des bottes de cuir. Sa mère essora sa robe

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